Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger
Affichage des articles dont le libellé est Du copinage. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Du copinage. Afficher tous les articles

samedi 9 janvier 2016

Les éditions Marcel Le Poney

Alain Jouffroy est mort. Il y a quelques années, j'aurais demandé… Qui ? 

Mais en 2009, Les éditions Marcel Le Poney avaient sorti un livre d'entretiens d'Alain Jouffroy avec Kristell Loquet et Jean-Luc Parant, qui s'intitulait Un jeu d'enfants. 
C'était un livre très spécial. Il s'ouvrait sur un entretien que les intervieweurs n'avaient pas préparé, ils semblaient s'en vanter, après être en plus arrivés en retard. Ils restaient là, à poser le moins de questions possibles, j'avais envie de les gifler en lisant, je les trouvaient impolis vis à vis de Jouffroy, et ça donnait pourtant un livre intéressant. Alain Jouffroy est mort, mais les éditions Marcel Le poney sont encore vivantes, et ont sorti l'année dernière un autre livre d'entretien, avec Louis Pons. J

e voulais le chroniquer bien, et la peur de mal faire m'a paralysé. Et puis Alain Jouffroy est mort, et quitte à parler des éditions Marcel Le Poney, c'est l'occasion de parler aussi de ce livre d'entretien 
« Au précis, l'imprécis se mêle ».  C'est plus accueillant, moins sec qu'Un jeu d'enfants. Sans doute parce que Jouffroy est un poète, un écrivain, un critique d'art, et que Louis Pons est un dessinateur, un sculpteur, et que cela permet une iconographie plus attrayante. Mais c'est aussi parce que Kristell Loquet a changé. Il y a plus de
simplicité dans l'entretien, Kristell Loquet pose des questions, nourrit l'échange, approfondit les réponses. Le livre est complété par un cahier hors texte de photographies de l'atelier de l'artiste. Il ne me semble pas que Kristell Loquet ait essayé de faire de belles photos, mais plus de nous montrer de façon documentaire l'atelier de l'artiste. Et c'est la profusion. Comme les dessins de Louis Pons, constitués de milliers de traits, de coups de griffes qui font des fragiles silhouettes, parfois frêles souvent un peu sinistres. Il y a plus encore de poésie dans les sculptures faites de collages d'objet de récupérations. Un peu comme l'entretien, fait de collages de questions réponses sans volonté imposée. C'est cela, la méthode de Kristell Loquet cueilleuse de parole, une méthode qui s'affine au fil des parutions des Editions Marcel Le Poney. Faire des entretiens sans
J'ai toute la collec !
garantie. Pas de point de vue préalable, même si cela prive de l'assurance d'obtenir un livre qui se tient bien, poli. Au poli elle préfère le poil, parfois le poil dans la main, d'autres le poil à gratter, ses livres d'entretiens sont touffus, drus, ébouriffés mais beaux comme des coeurs. 


Quant à Kristell Loquet éditrice, elle met toujours un soin incroyable sur la réalisation de l'objet livre. Pour moi qui suis un anarchiste du livre de poche, qui corne, plie, sousligne anote, ses livres sont une tortures, car ils sont trop beaux pour que je les maltraite.
En cette période de début d'année, on a les Noël en retard, les cadeaux aux gens un peu moins proches, et les livres d'entretien de Marcel Le Poney, Jouffroy, Pons, Butor, Vlaminck,  sont des cadeaux qui permettent de découvrir des artistes d'une page de notre histoire que la mort d'Alain Jouffroy ne fait que commencer à tourner. 



Bonus : 
-Fais une tête de monstre et fais les tous tomber
- OK !

mardi 14 octobre 2014

[Presque Tous] Mes lecteurs sont des robots !

Mes lecteurs sont des robots. Enfin, presque tous. À la fin de l'été dernier, je lançai en fanfare une série dont j'étais hyper fier, " The Marcel Proust experiment". Je carbure sur le montage, la Bretagne contredit sa mauvaise réputation, l'ordinateur chauffe, crachote, meurt. Le deuxième épisode ne verra pas le jour. Je passe l'été sans bécane, sans publier, triste comme un caillou, et furieux par avance de ce que mon silence éloignerait les lecteurs de "Ce que j'ai pensé de". 

Septembre, nouvelle machine, nouvel article sur le blog, un coup d'œil au stats : rien. Pas de cataclysme. Deux cents vues en moins seulement. 
Pour 4 semaines, ça ne fait cinquante vues par semaine à imputer à des vrais humains. Bien-sûr, il ne faut pas le dire aux éditeurs qui continuent à m'envoyer des livres passionnants, comme le magnifique William Saroyan que je chroniquerai lundi prochain. 

Bien-sûr on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, avoir des milliers de lecteurs fidèles, j'aurais aimé être obligé de recruter une secrétaire à mi-temps pour la modération des centaines de commentaires déposés sur chaque article... Mais ça me rend chacune de vos paires d'yeux plus précieuses encore, et plus sincères aussi les remerciements que je vous adresse. 

lundi 15 septembre 2014

Jean-Yves Reuzeau, Jim Morrison, bis, sed non repetita.

Pourtant, c'est bien le même type, le même Jean-Yves Reuzeau. Celui qui avait fait une biographie "objective" de Jim Morrison. Pourtant ce livre aussi, s'appelle Jim Morrison. Mais il est sous-titré. Les portes de la Perception. On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé que tout le livre soit sous-titré. Le narrateur, c'est lui ? Qui, lui ? Morrison, Reuzeau lui-même, un des admirateurs fous qu'on croise au Père-Lachaise ? Il faut avoir lu la biographie avant. Ou après. Juste après le texte. Celle que le Castor Astral propose.  Ou juste avant, avec la préface de Michka Assayas. Pour tenter de faire le lien. Les clefs, on ne les a pas. Il faut lire sans toujours comprendre. Mais tu comprends tout à la poésie ? Tu comprends tout aux paroles des chansons, à la magie du son, à l'hystérie des foules, en bas de la scène ? A la tienne, parfois ? Il y a des femmes, les mêmes, ou pas. Mais le même cœur, fidèle, ou pas. Déchiré. Et c'est ce qu'il reste. Après une biographie objective, après l'épuisement des faits. Il reste l'intuition des sentiments. Seulement, passé 27 ans, il ne restait plus personne pour dire « ah ouais, tu m'as lu, c'est exactement ça. Bien joué l'indien. »

Introspection d'un autre, comme un poème. Remettre les phrases bout à bout, faire croire à un récit, faire croire à un texte : mais c'est un chant. Chant du cygne. Ce que Reuzeau montre, il ne le dit pas. Le voit-il seulement ? Le dérèglement. Le cerveau qui ne remet plus les phrases bout à bout, le récit de sa propre vie. Alors qui aura le courage de le dire ? Les poètes brûlent bien, comme l'alcool. Le public y réchauffe son cœur tiède. Il aime la flamme. La fumée. Trouble. Mais quand il se brûle, il s'offusque : le Roi Lézard a montré son serpent ! Et son insatisfaction. Des disques d'or, des femmes, des fans, des flammes . Mais j'aurais voulu être écrivain. Mais faire du cinéma. Mais la jalousie. Mais, au bout, l'overdose. Mais, mais, mais. 

Les Morrisons de Reuzeau, c'est de la première main. Bien-sûr leur génération s'est réveillée groggy, mais, au moins, après avoir rêvé. Mais après l'amour libre. L'espoir psychotropipque. Mais, mais, mais, quand même, après l'ivresse. Jim Morrison ou les portes de la perception, de Jean Yves Reuzeau paru au Castor Astral, nous rappelle que si,  nous, on a commencé par la gueule de bois, on pourrait bien en sortir par la poésie. 




[ edit ] : Voici la version audio, , avec deux jours de retard. 

Note : J'ai une petite sacoche, avec l'enregistreur, que j'emporte partout. Mais aujourd'hui un simple petit fil, celui du casque audio, n'était pas du voyage. On fait des sacs, on pose des sacs, on défait des sacs, on refait des sacs on porte des sacs, on repose des sacs. Et parfois, on oublie un petit fil et il n'y a pas de version audio de la chronique. 

lundi 8 septembre 2014

Jim Morrison, par Jean-Yves Reuzeau

La biographie de Jim Morrison que Jean-Yves Reuzeau propose chez Folio réussit un tour de force :  nous faire  sentir que ce qui paraît aujourd'hui un peu ridicule, ce type torse nu dans un pantalon de cuir avec des filles qui hurlent à ses pieds, en 1967 c'était de la subversion pure.  « Celui qui se réconcilie avec l'autorité se met à en faire partie »

Jean-Yves Reuzeau propose une biographie à l'américaine, factuelle, aussi exhaustive que possible. Il sacrifie le lyrisme à la clarté, et pour que le lecteur puisse se faire sa propre idée, il va chercher toute la matière brute disponible. A commencer par ce camion renversé, ces cadavres d'indiens, et James Douglas Morrison, qui n'a que 4 ou 5 ans. Rappelé, remanié, invoqué, ce souvenir sera à l'origine de sa fascination pour le chamanisme, de la construction progressive de son personnage de Roi Lézard. Parallèlement, le rythme des déménagements de son père militaire, le déracinement, l'impossibilité de s'attacher, développent chez Jim Morrison l'habitude de regarder les autres avec la distance d'un entomologiste. Pour voir les réactions de ses camarades, il danse sur les rambardes, face au vide, comme il le fera sur le bord de la scène. Mais l'attention est aussi une drogue et Reuzeau fait ressentir le besoin d'augmenter les doses. Autant que l'écoute, Jim Morrison provoque le regard, puis les réactions, puis l'hystérie, jusqu'à devenir ce sex-symbol qu'il ne peut ni rejeter, ni supporter. Les histoires d'amour sont aussi marquées par cette impossibilité à trouver la juste distance. 

Malgré la bienveillance de Reuzeau, Jim Morrison apparaît comme un enfant égaré, que ni son intelligence, ni sa sensibilité, ni la culture littéraire subversive qu'il entretient avec frénésie n'aident à entrer vraiment en contact avec les autres. L'alcool fait passer le courant, mais quand les fils se touchent c'est toujours à l'intérieur, là où Morrison atteint la transe chamanique, même s'il y emporte ceux qui se trouvent de l'autre côté de la scène. Break on through to the other side.  Et lorsqu'il les fait monter près de lui, lorsqu'ils se touchent enfin, c'est le concert de Miami, excessif, sur lequel les versions divergent, et peu importe, car la descente est amorcée, et celui qui a l'habitude des substances sait  qu'aucun trip ne peut durer toujours sans que le cerveau ne finisse par cramer. Sans doute, comme celui de Jim Morrison, d'abord petit à petit, à force d'alcool, de coke, de sexe et de sentiments excessifs, et puis  d'un coup, enfin, une nuit de 1971, dans les toilettes d'une boîte de nuit parisienne. 

En moins de cinq ans, les Doors ont sorti six albums studio et un album live. En moins de 400 pages Jean-Yves Reuzeau décrit la trajectoire d'une météorite. Parce qu'il a travaillé dans le monde de la musique, notamment pour le label des Doors, parce qu'il est à la fois écrivain et éditeur, Jean-Yves Reuzeau parvient à exprimer ce qui fait la différence entre les artistes et les bons artisans : cette incapacité à compter, à mesurer les conséquences, à se sauver du génie qui les consume ; cette compulsion à se donner à ceux qui les admirent, totalement, sans jamais garder en réserve l'énergie de durer assez pour ceux qui les aiment. 

Si bien qu'après avoir lu cette biographie de Jim Morrison, par Jean-Yves Reuzeau, disponible chez Folio, on se demande si on doit les envier ou les plaindre. 

Je n'aurai pas le temps cette année de faire des fichiers audio à chaque fois, mais là, il y en a un ici grâce à sa majesté Le Rouille. 

Jim Morrison, par Jean-Yvez Reuzeau, Folio Biographies. 9,40 €

TL ; DR : Une putain de biographie de Jim Morrison, avec plein d'infos et peu de blabla, qui permet de comprendre le Roi Lézard, mais aussi la fin des années soixante, le sexe, les drogues, tout ça. 





lundi 30 juin 2014

La Confession d'une jeune fille, Marcel Proust, Le Castor Astral.

La Confession d'une jeune Fille que le Castor Astral fait paraître dans sa jolie collection des Inattendus est une ruse d'éditeur pour nous amener à Proust. Ce joli petit livre crème réunit trois textes qui n'ont rien d'inédit. La confession d'une jeune fille et Violante ou la mondanité sont deux nouvelles déjà parues dans le recueil Les plaisirs et les jours. Le troisième texte est un article que le Figaro a demandé à Proust après qu'une de ses connaissances commit un crime atroce.

La thématique de la perte des parents et  de la corruption de l'âme humaine est un prétexte à la réunion de ces textes, dont le choix illustre en fait l'évolution du style de Proust. Tous les éléments de Mademoiselle de Vinteuil sont déjà présent dans la narratrice de la Confession. Toute l'ambivalence du rapport de Proust à la mondanité est déjà dans Violante. Mais tout le style de Proust est enfin dans le dernier texte, qui n'est pourtant qu'un article de fait divers.

On voit comment Proust se fait phagocyter par la littérature. Les premiers textes sont ceux d'un débutant, ils montrent encore des maladresses, de l'hésitation. La narration est contaminée par l'explication, qui ressemble à une forme de politesse.

L'article du Figaro, au contraire est à la limite de l'incorrection. Alors qu'il parle d'une de ses propres connaissances qui a tué sa mère, Proust digresse, s'évade, cite les textes antiques, décrit merveilleusement l'arrivée du froid sur les villes. Il semble n'avoir finalement que peu de compassion pour celui qui s'est donné la mort après l'avoir donnée à celle qui lui donna la vie. Plus encore que de l'impolitesse, on pourrait y voir une volonté de tirer à soi la couverture, de se faire mousser. Or c'est précisément l'année de la parution de cet article que Proust commence la rédaction de La Recherche. Il ne s'agit plus là d'égocentrisme, mais d'oeuvrocentrisme. L'œuvre devient une fonction vitale de l'auteur, à laquelle toutes les autres sont sacrifiées, le sommeil, la respiration, la socialisation... Le style de La Recherche est déjà là, La Recherche est déjà là, comme une bête tapie qui s'apprête à dévorer son créateur, au-delà de la morale, des conventions d'écriture, de la narration. Déjà Proust sait jouer avec l'ennui du lecteur, avec son attention, avec la lenteur, les accélérations, les sensations, les retournements, La Recherche est là comme un double qui prend petit à petit le contrôle de la réalité.

Toute l'intelligence de La Confession d'une jeune Fille », paru dans la collection Les inattendus, au Castor Astral  est de casser le mythe du  Proust dilettante, amateur, et de montrer qu'il n'a en fait jamais dispersé son énergie, qu'il n'a jamais creusé qu'un seul sillon, n'a jamais tendu que la corde d'un seul arc, jusqu'à ce qu'enfin La recherche du temps perdu jaillisse, une flèche qui, encore cent ans après, touche toujours la cible en plein cœur.

Marcel Proust, La confession d'une jeune fille, Le castor Astral Editions, 12 €.

L'audio est disponible ici. 

NOTE : il manque quelque chose à cette chronique, saurez-vous me l'indiquer dans les commentaires ? C'est sans doute parce que la saison "Des poches sous les yeux' est finie que je continue à me priver de ce petit quelque chose qui reviendra dès la chronique de la semaine prochaine.

TL ; DR : Trois petits morceaux de Proust d'avant La Recherche du temps perdu, ou comment le style d'un écrivain s'impose envers et contre tout.

mercredi 18 juin 2014

J'ai un éditeur !

C'est officiel.
Je l'ai rencontré, pour de vrai.
J'ai signé un contrat, pour de vrai.
J'ai donc officiellement un éditeur. Il s'appelle Jean-Yvez Reuzeau et c'est le directeur éditorial du Castor Astral. 

Donc Le Poisson pourrit par la tête sera un vrai livre, avec des pages en papier, et vous pourrez l'acheter et me rendre immensément riche. 

Bien-sûr, la première publication n'est pas un aboutissement, c'est le début de plus de pression, plus de doute, plus d'inimitié de la part de ceux qui n'aimeront pas le livre, et qui me sembleront toujours plus nombreux que ceux qui aimeront. Bien-sûr, certains penseront à tort qu'il s'agit d'une autobiographie, et d'autres auront l'impression au contraire que je suis un voleur puisqu'un certain nombre des choses que je raconte ne me sont pas arrivées à moi mais à eux.
Et bien-sûr, on aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que le livre fut meilleur, qu'il soit entièrement fictionnel et qu'il ne m'ait pas fallu trois ans pour l'écrire, mais être publié au Castor Astral, une maison qui cultive son indépendance depuis quarante ans, à défaut d'aboutissement, c'est une reconnaissance.

Merci à tous ceux qui m'ont soutenu et me soutiennent encore sur ce travail ! 

Indice concernant le choix de J?-Y? Reuzeau
Il me faudra donc préciser mes liens de copinage quand je chroniquerai les livres que je lui ai achetés à Étonnants voyageurs, à St Malo.

Mais avant de chroniquer les livres qu'il édite (bientôt un petit ouvrage regroupant trois textes de Proust), Jean-Yves Reuzeau se présente tout seul. Sur le modèle de la séquence "S'il n'en restait qu'un" proposée par l'équipe de Des poches sous les yeux, j'ai demandé à Jean-Yves Reuzeau quel livre il garderait s'il ne devait en rester qu'un. En moins de deux minutes, il est parvenu à me donner envie de découvrir Emmanuel Bove, que je ne connaissais pas, c'est ici. Le son est un peu brouillon, c'est pris en situation à "Étonnants voyageurs".  

C'est avec ce type formidable que je vais travailler à ce que Le Poisson sorte en janvier 2015 dans les librairies. C'est pas un truc de ouf, ça ? De ouf malade ?



jeudi 27 mars 2014

Be Happy, d'Andrea Davoust

Le premier livre de photographies de la journaliste franco-canadienne Andrea Davoust, paru chez Atlande, s'intituleBe Happy ! Sois heureux. Bon, d'abord, tu ne me donnes pas d'ordre. Ensuite, je fuis les salons du livre parce que j'attends des salons de la littérature. Les meilleurs ventes se font au rayon beaux-livres, et il faudrait qu'on soit heureux ? En plus, Andréa est une amie et comme je veux montrer au monde (c'est à dire à mes 56 followers) que je suis un chroniqueur indépendant, Be Happy devait faire l'objet d'une descente en flèche.

Des photos de gens heureux sur la page de droite, et sur la gauche une citation sur le bonheur. Au cas où on n'aurait pas compris la photo. Et traduite en 4 langues, pour prévoir les ventes à l'export. Le massacre allait être facile : Andréa Davoust a un peu raclé les fonds de tiroirs, les écrivains préférant souvent se gratter les croûtes quand ils sont malheureux, et vivre le bonheur plutôt que de l'écrire. Exemple, Page de droite, une photo de bébé, page de gauche on lit « Ô jeunesse ! Entre ainsi dans la vie, légèrement et gaiement. » Même Alfred de Vigny ne pouvait pas être génial tout le temps.

Je tourne la page, prêt à railler la citation suivante, mais mon œil est attiré par la photo, à droite. Un beau jeune homme saisit une banane sur l'étal d'une marchande plus âgée. On dirait qu'il abuse de son charme viril pour voler le fruit, et la marchande le regarde en souriant, pas dupe et heureuse, manifestement, que sa joue frôle son épaule. 

Sorry for potatoeJe renonce aux citations et décide que ce livre ne comporte que des pages de droites. Surprise, c'est un bon, un excellent demi-livre droit. En regardant ces portraits de gens heureux, on est frappé par le naturel des visages. La composition des photos n'est jamais artificielle, alambiquée, le choix du cadre jamais tape-à-l'œil. Andrea Davoust a l'élégance de s'effacer totalement, comme si elle voulait nous faire croire qu'elle n'est pas photographe professionnelle. Mais elle échoue. Parce que ce qui différencie les photos simples d'Andrea Davoust de mes simples photos de vacances, c'est que les siennes sont belles. Très. Intensément. Elle saisit le naturel des gens parce qu'il lui suffit d'1/125ème de seconde pour choisir le cadre, la lumière, l'exposition.  Le bonheur est fugace : nous l'aurions laissé s'envoler. Qu'elle se focalise sur le mouvement, le sourire, l'attitude, l'échange, le décor, à chaque fois elle voit ce qu'on n'aurait pas vu, du bonheur, du bonheur à côté duquel on serait passé. On tourne les pages dans un sens, dans l'autre, surpris de ne plus croire que les gens heureux n'ont pas d'histoire. Les gens heureux qui peuplent le livre d'Andrea Davoust, Be Happy, ont aussi une géographie, et c'est elle qui m'a permis de redécouvrir les pages de gauche, au bas desquelles on devine que les séries ésotériques de chiffres, petits ronds, apostrophes et guillemets sont des coordonnées géographiques 47°46'26.9" : -3°33'10.1".

On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que le format choisi soit le même que le standard google maps, mais on réussit à se promener sur les lieux où les photos ont été prises. Et le sourire est suivi d'un autre sourire. C'est un sourire à double détente. Le jeu de piste est subtil, on cherche sur chaque photo, des indices du lieu qu'on découvrira à l'aide des coordonnées. Burkina Faso, Colombie, et pourquoi pas, Paris. Et parfois on se trompe dans un chiffre en plein milieu d'un océan. On corrige la coquille et la marchande de banane est au Nicaragua. On referme  Be Happy !, d'Andrea Davoust, paru chez Atlande avec l'assurance qu'on pourra y voyager chaque fois qu'on voudra être heureux, et convaincus qu'il suffit d'apprendre à regarder le monde pour y voir des raisons d'être heureux, ici, ailleurs, partout. Tout le temps.

 Be Happy !, d'Andrea Davoust, paru chez Atlande, 12 €.

samedi 15 juin 2013

Liebster Award

Liebster award, quoi ça il est ?
Une façon pour les blogs ayant moins de 200 abonnés de faire connaître d'autres blogs ayant moins de 200 abonnés. En fait, c'est un genre de chaîne de mails pour les blogs. Si on y répond, alors plein de gens vont venir voir votre blog, un éditeur va vous remarquer, vous recommander à un mass-média qui vous suppliera de travailler pour eux. À genoux. Et pour un gros salaires et plein d'avantages en nature (jet privé, détartrage dentaire offert chaque année, ticket restaurant de 7€50, réduction pour le concert de Raphaël). En revanche, si vous ne répondez pas, votre blog ne sera plus jamais consulté, à part par Par-is Hilton (c'était pour faire Part par par).

Donc une fois que quelqu'un qui vous veut du bien (et qui a compris la méthodologie de com sur les réseaux sociaux) vous a taggué vous devez :

- il faut écrire 11 faits sur son blog et/ou sur soi
- répondre aux questions des personnes qui vous ont tagué
- poser 11 questions à 11 blogueurs à taguer. Et les en informer sur leur page.

Je ne sais pas s'ils ont plus de 200 abonnés, mais voici qui je vais tagguer :

http://www.marclefrancois.net/ Un écrivain qui publie un billet quasi quotidien. Beaucoup d'anecdotes sur les écrivains, et qui parfois aussi livre un peu de ses méthodes d'écriture.

http://www.lalettrine.com/ Le blog d'Anne Sophie Demonchy. Une fois de plus je ne sais pas si elle est en dessous de 200 abonnés, mais je n'ai pas vu de nouvelle chronique depuis mars, alors je la tague.

http://lioneldavoust.com/ Lionel Davoust écrit de la fantasy. Pas ma tasse de thé a priori, mais on a de bonnes discussions sur la littérature, et il est très fort sur la construction de ses livres.

http://agirlcalledgeorges.blogspot.fr/ Il y a un côté un peu arty cynique qui peut agacer, mais a girl call Georges propose des textes souvent bien écrits.

http://antigonehc.canalblog.com/ Une maman qui fait des chroniques littéraires. Je l'ai découvert à travers sa chronique des Lisières d'Olivier Adam,

http://blog.pourquoijecris.fr/ Toujours le même format : un extrait de livre, un commentaire personnel, des liens. Les chroniques sont parfois un peu longues (pas plus que les miennes) donc je ne les je ne lis pas toujours tout, mais quand je lis, souvent j'aime bien.

http://paf-le-paf.tumblr.com/ On a commencé une guéguerre Mac / Android, alors qu'on ne se connaissait pas. Et après deux commentaires j'ai tendu une perche d'apaisement (c'est quand même le combat le moins intéressant possible), qu'il a prise. Depuis, parfois je lis son blog.

Ah ouais, ça fait pas onze ? t'es comptable ? T'es de la police ? Je débute dans la blogosphère, j'ai un nombre d'amis sur facebook à seulement deux chiffres, et je n'ai toujours pas compris comment marche l'interface de cette bête, pas plus que de Google+. Alors 8 blogs, c'est énorme. C'est trop, même. Nettement trop.(en fait il n'y en a que 7 mais j'ai fait le pari que personne ne recompterai)


Il faut écrire 11 faits sur son blog et/ou sur soi

  1. Je suis mal à l'aise avec cette démarche qui ne sert qu'à faire de la pub et générer du traffic.
  2. J'ai lancé ce blog pour mettre en ligne mes chroniques afin de pouvoir envoyer des liens et convaincre les maisons d'éditions de m'envoyer des livres.
  3. Cela me permet aussi d'écrire tous les jours (même si mon rythme de publication ne le reflète pas), ce qui est une hygiène de vie pour moi, comme se laver les dents.
  4. Je me lave les dents tous les jours.
  5. Ce n'est pas un blog "de journaliste". Je suis incapable d'écrire une bonne chronique au rythme auquel écrivent certains. Donc je n'écris pas sur ce blog tous les jours. 
  6. Je me lave pourtant vraiment les dents tous les jours. 
  7. J'ai écrit deux livres, je n'ai pas encore réussi à en faire publier un (mais j'y travaille encore pour le deuxième).
  8. J'ai donc du respect pour tous les auteurs qui publient sans bosser dans les médias, la politique... même si je n'aime pas ce qu'ils écrivent. 
  9. Je suis dérouté par les réseaux sociaux. C'est de la communication sans mémoire, sans classement, tout venant.
  10. Je n'ai pas la télévision, sinon je la regarderai comme un débile.
  11. J'ai quand même compris qu'il ne faut pas livrer de choses trop intimes. 

Les 11 questions que Maman Baobab me pose :

  1. Pourquoi t'es-tu lancé dans la blogosphère ?
    J'ai commencé le blog pour me créer une attente fictive. "Mince je n'ai rien publié cette semaine" est aussi un moteur pour écrire. Et écrire chaque jour est une hygiène de vie, comme se laver les dents.
  1. Quels sont tes tics (écrits) de langage ? Quels mots utilises-tu le plus dans tes chroniques ?
    Il y a un gimmick, et on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que vous le remarquâtes pas vous même.
  1. Quel livre devrais - je selon toi impérativement lire (voire chroniquer)
    Je crois que toute personne qui veut écrire gagne à lire "Technique du métier d'écrivain" de Viktor Chklovski (Techniques qu'il ne s’applique pas à lui-même quand il écrit, bien entendu). Ce livre a changé ma vie. Je l'ai rencontré par hasard dans une librairie d'occasion à Bécherelle il y a dix ans, je l'ai acheté à l'instinct. Je le relis tous les six mois. Malheureusement épuisé en français, on le trouve d'occase. 
  1. Ton dernier coup de cœur ?
    Une femme fuyant l'annonce, de David Grossman, m'a vraiment donné une leçon de littérature.
  1. Un coup de gueule à pousser ?
    Ouais : la guerre c'est nul. L'homophobie : c'est méchant. Marre des inégalités. Bref, les coups de gueule, c'est toujours des portes ouvertes dont l'enfoncement ne sert qu'à se faire mousser. Coup de gueule littéraire ? L'homme joie de Christian Bobin. Le lire a été une vraie violence de niaiserie. 
  1. Une recette immanquable à partager ?
    La recette de la lose. Changer de travail tous les deux ans, déménager tous les deux ans, de femme tous les 7ans, puis 2, puis tous les six mois. Perso, moi, j'arrête.
    Perso, je saupoudre de cacao après chaque couche, pas seulement la dernière. 
  1. Quelle est ta meilleure chronique publiée ?
    Difficile de juger. Pas mal de mes chroniques sont ensuite enregistrées pour la radio, il y a donc la façon de la lire et le choix musical qui l'accompagne. Franchement, je ne sais pas quelle est la meilleure. J'ai un faible pour celle de (contre) "14" d'Échenoz, car elle m'a permis d'entrer chez Des Poches Sous Les Yeux.
  1. Où pars-tu en vacances cet été ?
    Je n'ai pas de vacances cet été : après 2 ans passés à écrire un livre, j'ai retrouvé un CDD de 4 mois à Rennes. J'espère réussir à faire quand même un aller retour pour du tourisme industriel avec mon fils (genre Airbus à St Nazaire)
  1. Quel(s) blog(s) suis-tu régulièrement ?
    Maman Baobab.http://maman-baobab.blogspot.fr/ C'est elle qui m'a fait aborder la blogosphère.
    Et Marc Lefrançois. http://www.marclefrancois.net/ par pur hasard et grand plaisir depuis plusieurs semaines.
  1. Quel(s) auteur(s) / illustrateur(s) ?
    Auteur. Marcel Proust a été le choc stylistique. La baffe. Mon seul petit regret quant à mon activité de chroniqueur littéraire pour Canal B et Radio Béton, c'est que je suis prisonnier de  La Prisonnière » et qu'il ne me resterait plus ensuite qu'Albertine Disparue et Le Temps retrouvé, et que je crève de ne pas finir ce... comment qualifier ça. Vas-y, Bâtard, Marcel Proust, c'est un truc de ouf, c'est chanmé.
  1. Prépares-tu tes billets à l'avance ?
    Je mets beaucoup de temps, trop, à écrire mes chroniques. Je ne suis pas journaliste, je suis incapable d'écrire plus d'une chronique correcte par semaine. Je n'écris jamais dans l'interface du blog, je le fais toujours sur un fichier puis je copie-colle.   



    Mes 11 questions :

    1. Que retires-tu de l'écriture de ton blog ?
    2. Les plus important, le fond ou la forme ?
    3. Quel est selon toi le format idéal pour un post de blog ?
    4. Grâce à ce blog, tu échanges avec combien de personnes ?
    5. Combien de personnes as tu rencontrée dans la vraie vie grâce à ton blog ?
    6. Combien de temps passes-tu chaque semaine à la rédaction de ton blog ?
    7. Combien de blogs suis-tu réellement ?
    8. Si c'est plus de onze, comment trouves-tu le temps ?
    9. Que voudrais-tu faire quand tu seras grand ?
    10. Un livre qui t'a ému aux larmes ?
    11. Qu'espère tu de ton blog et qu'il ne t'aurait pas encore donné ?