Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

vendredi 25 juillet 2014

Vacances Forcées


Je n'ai jamais aimé cet ordinateur. Il était un reproche matériel quotidien, une preuve tangible que parfois mon cerveau est sensible au marketing le plus brutal. Acheter un ordinateur portable pour la "qualité de ses haut-parleurs, avec subwoofer intégré pour un meilleur rendu des basses."


Excusez-moi ? Les basses avec un subwoofer de 4cm de diamètre en dessous de l'ordinateur ? Super, j'achète, et ensuite, je regretterai jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Pas la mienne, mais celle du Samsung R720 qui a dû me coûter à l'époque 800 beaux euros. L'époque... comme si ces bécanes tenaient longtemps. Même pas 4 ans. "Mais estime toi heureux, c'est pas si mal". 

Ça a commencé par le ventilateur, pas assez puissant. Je chauffe, je chauffe, je chauffe, et je coupe tout. Puis, un petit problème d'installation de drivers, et windows qui refuse de se lancer.

Enfin, il est parti de chez moi comme il y était entré : grâce à ma capacité à faire de mauvais choix. " J'ai qu'à l'ouvrir pour nettoyer le ventilateur. J'ai démonté intégralement ce traître, dépoussiéré le ventilateur, et... manifestement bousillé l'écran.

Pas de blog jusqu'à ce qu'une machine accepte de ne pas mourir entre mes mains. 

Cela-dit, le disque dur est intact, je pourrai récupérer les rushes des épisodes 2 et 3 de la Proust Experiment. En attendant, bonne vacances à tous, profitez-en pour lire des bons livres. 

lundi 21 juillet 2014

The Marcel Proust experiment. Episode 1.

L'été est une saison proustienne. 


À rebours de ce que je vous propose chaque lundi, des chroniques courtes, écrites, sur un livre précis, plutôt souvent lues qu'écoutées, je vous propose cet été quelques expériences autour de la Recherche du temps perdu. 

Une improvisation fait l'objet d'un montage et vous est proposée seulement en fichier audio (pas de courge pour la retranscription). 

Si certains ont le temps d'écouter, il y en aura quelques épisodes en plus cet été. 

Vos premiers pas dans la Marcel Proust experiment sont disponibles ici

lundi 14 juillet 2014

Le Jeu des Ombres, de Louise Erdrich, au Livre de Poche.

Le jeu des ombres, de Louise Erdrich, que j'ai reçu dans le cadre du Prix des lecteurs du Livre de poche, commence par un procédé littéraire : une femme annonce qu'elle écrit maintenant deux journaux. Le premier est celui qu'elle tenait avant, et dont elle sait maintenant que son mari le lit en cachette. Le second, dans lequel elle décrypte les mensonges qu'elle laisse dans le premier. 

Il y a quelque chose de scolaire, de sage dans les premières pages. Mais ça ne dure pas. Irene America n'est pas seulement la femme de Gil, elle est son modèle, sa muse, la mère de ses enfants. Vraiment ? Est-ce que Gil peut en être sûr ? Est-ce que le lecteur peut en être sûr ? 

Bizarrement, le livre ne repose pas sur le suspens, mais sur la façon dont tout se déglingue. Les mots d'Irène sont encadrés par les mots d'un narrateur qui semble tout proche, et l'on passe du contenu des agendas au reste de l'histoire sans aucune convention typographique. On pourrait croire qu'on va se perdre, mais ce sont les personnages qui se perdent. Les enfants, qui regardent leurs parents se déchirer, s'aimer, se faire du mal, se faire du bien. Les parents. Depuis longtemps. 

Bien-sûr, c'est Gil, le méchant. Le peintre égocentrique, qui expose le corps de sa femme dans des toiles dont l'impudeur fait sans doute une part du succès. Bien-sûr, c'est Irène qui a tort. Elle devrait arrêter de boire, partir, cesser de mentir, de truquer ses agendas. Bien-sûrs ils se détestent, bien-sûr ils s'aiment contre le reste du monde. Mais Gil voudrait posséder Irene, et Irene, il y a longtemps, lui a laissé croire qu'elle le laisserait faire. 

En toile de fond, leurs origines amérindiennes, l'appartenance, la béance laissée par des pères absents, la recherche d'identité, l'Amérique dévorée par son rêve. En toile de fond un autre peintre, qui immortalisait les visages de tous ces américains natifs, Lui aussi ambigu, lui aussi fidèle à ceux qui mourraient bientôt des maladies apportées par les colons, ou par leurs armes, ou qui survivraient à peine, dans des réserves, comptant le sang qu'ils sauveraient de leurs arbres généalogiques ravagés par moitié, quart, huitième. Comme comptent les immigrés après des mariages mixtes. Sauf que pour l'Amérique, ce sont les natifs qui ont vu leurs gènes se diluer dans les gènes des colons, qui ont vu leur sol leur échapper, puis leurs passés, leurs rêves.

Le désarroi est partout dans le jeu des ombres, et les explosions de violence sont suivies de réconciliations glaçantes, précédées de silences électriques.

On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que le langage, le style, soient aussi déglingués, aussi aventureux. Mais peut-être que le décalage entre les phrases courtes et sages et la folie ambiante participe à nous faire ressentir les liens trouble entre l'art, le désir,  et l'angoisse, la force et la faiblesse, le sexe, la violence, la folie, la famille, le passé, l'avenir. Et toujours, dysfonctionnel, inadéquat, maladroit, douloureux, éternel : l'amour. 

Parce qu'il y a beaucoup plus d'ombres que de jeu dans le jeu des ombres de Louise Erdrich, paru au Livre de Poche, on en ressort plein d'une envie bizarre de ne plus faire de mal à personne, de prendre une grande respiration et de se dire : ça va aller. 

L'audio est ici avec un fonds sonore assuré par l'excellent titre Jimmy, de Moriarty. 

TL ; DR : Un couple se déglingue, sur fond d'appartenance amérindienne et d'art contemporain. Dérangeant et beau. 

jeudi 10 juillet 2014

Park Avenue, de Cristina Alger

Et voilà, encore une fois, je me sens le méchant critique aigri en lisant ParkAvenue, de Cristina Alger, disponible au Livre de Poche.
La blogosphère encense une saga familiale dans l'univers de la finance, un livre étonnant de maîtrise... Le Elle le met dans son Top Ten, Jay Mc Inernay parle du meilleur produit littéraire que nous ait donné la crise financière. Bienvenue dans l'ahallucination collective produite systématiquement par les sous et le glamour.
L'histoire : le clan Darling est à la tête d'une société d'investissement. Le gérant de la société qui gère un de ces fonds se suicide, et on découvre qu'il s'agissait d'une chaîne de Ponzi. Le patriarche du clan Darling était-il au courant ? Et son gendre, qu'il vient d'engager comme avocat général, va-t-il le faire plonger ou au contraire servir de bouc émissaire ?
Aucun personnage n'est attachant. L'intrigue elle-même est prévisible de bout en bout. Tout le monde trompe, et Cristina Alger essaie d'humaniser ses personnages en nous faisant croire qu'ils font tous ce qu'ils peuvent pour leur famille. Elle plaide pour sa chapelle. Il est pénible de voir des gens faire des coups littéraires en dénonçant à peine les magouilles dont ils ont profité avant (Alger était analyste chez Goldman Sachs.
D'un point de vue littéraire, le livre est indigeste. Le découpage temporel des chapitres, Mercredi, 15heures 06, Mercredi 17 heures 03, Mercredi 17 heures 27 devrait induire un rythme palpitant de série télé, mais tout est lent. Les flashbacks pour expliquer la psychologie ou l'histoire des personnages sont plutôt laborieux. On a lu des choses bien pire dans la séléction du Prix des lecteurs du livre de Poche, mais on a lu des choses bien meilleures.
J'ai cherché en vain des éléments de surprise, des informations qu'on n'aurait pas lu cent fois dans les journaux pendant l'affaire Madhoff. Enf ait, il n'y a pas de courage dans la description que Cristina Alger fait du monde de la finance, pas de dénonciation, il n'y a qu'un certain cynisme à montrer ce à quoi elle participe, ce que tout le monde accepte, parce qu'au fond, bien que ce soit inaccessible, chacun désire que le glamour et l'argent continuent à planer au-dessus afin de se nourrir de l'illusion imbécile que c'est accessible. La description de la déchéance est toujours factice, et l'épilogue rappelle le destin de tous les grands qu'on a vu tomber, mais seulement pour quelques temps, et qui reviennent quelques mois après avec une nouvelle actualité, un nouveau concept, et souvent, un nouveau livre.


Je crois qu'on peut se dispenser de lire Park Avenue, comme je me dispense d'en faire une chronique audio.  
Park Avenue, Cristina Alger, Le livre de Poche, 7,60 €, qui peuvent être mieux dépensés. .

lundi 7 juillet 2014

Il était une rivière, de Bonnie Jo Campbell

Il était une rivière, de Bonnie Jo Campbell, paru au livre de Poche, commence un peu comme un marécage. Beaucoup de personnages, un peu de confusion, un peu de déjà-vu. Comme on peut reprocher à la littérature française son nombrilisme lassant, et je sais de quoi je parle, l'amour qu'a la littérature américaine pour les paysages sauvages, la forêt, les grands espaces tourne parfois à la recette folklorique.  

Margo Crane, quinze ans, mutique, évolue dans un épisode de Tom Sawyer, mais un épisode où tous les mâles à peine adultes chercheraient à la violer. Et puis la rivière trouve son cours, et le livre devient une sorte de road-movie aquatique. Margo s'échappe de sa famille de rednecks péquenauds un peu dégénérés, elle s'enfuit, avec une barque, un sac, un fusil, C'est que depuis toute petite, Margo tire mieux que tous les hommes du coin. Elle abat des cerfs, des rats musqués, des biches, et elle s'attache à son arme comme à un animal de compagnie. 

Au fil de son périple, on réalise que le principal ennemi d'une adolescente solitaire, ce n'est pas le froid, pas la faim, c'est le désir humain, sa brutalité. Une des grandes force de Bonnie Jo Campbell est d'éviter le manichéisme, de braver le politiquement correct. La frontière entre protection et domination est floue, et l'auteure ne cède jamais au jugement et à la condamnation, mais elle dit seulement une parole et nous voilà instruits. L'ambiguïté de Margo face à son propre désir, à son propre corps résulte d'une alchimie complexe entre son histoire et sa personnalité. Margo préfère les gestes aux mots, et c'est un des tours de force du livre que de nous faire ressentir autant d'attachement pour une jeune fille silencieuse, obstinée, solitaire malgré elle. 

Bien-sûr, on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que certaines scènes traînent moins en longueur, que certaines péripéties, un peu répétitives, disparaissent ou apportent un changement plus décisif dans l'évolution du personnage. Et puis, au détour d'un barrage, lorsque Margo doit quitter la rivière pour quelques pages, on regrette ce flottement, cette dérive à laquelle on réalise soudain qu'on avait pris goût. On passe d'une rivière à l'autre, la jeune fille s'arrête, une jeune femme s'élance. La troisième partie est sans doute la meilleure. 

Il était une rivière, de Bonnie Jo Campbell, paru au livre de Poche, coule enfin avec une force placide, ample, comme vers un estuaire plein de promesses.  

Il était une rivière, de Bonnie Jo Campbell, paru au livre de Poche,7,60 €

L'audio est là, mais je n'en suis pas très fier. 
Le fond sonore vient d'un truc trouvé sur Soundcloud ici. 

TL ; DR : Il était une rivière, de Bonnie Jo Campbell, au Livre de Poche. L'histoire de Margo, qui fuit sa famille de péquenauds, avec un sac, une barque, un fusil. Sans grand originalité, un road-movie aquatique où la nature prend la place que seule la littérature américaine sait lui donner. 

vendredi 4 juillet 2014

Graphotopophotologies, ou l'écriture du paysage. Jean-Luc Parent et Jacqueline Salmon.

Graphotopologies est le catalogue de l'exposition commune de Jacqueline Salmon et Jean Luc Parant, qui se tient en ce moment et jusqu'au 14 septembre 2014 à l'Ar(t)senal de Dreux. Il a été réalisé par Kristell Loquet et est publié par les éditions Marcel Le Poney. 

J'ai appris à lire le titre de l'exposition après en avoir lu le sous-titre : les écritures du paysages.

La photo est pourrie, mais le catalogue est très beau
Il faut donc découper ainsi :


Grapho : l'écriture
Topo : le lieu
Photo : la lumière
Logie : l'étude, le langage.

Le travail de Jean Luc Parant repose sur la confection d'installations à base de boules et de textes sur les yeux. J'ai toujours été imperméable aux idées dans l'art, aux concepts. Je suis quelqu'un de trop primitif pour accepter des explications dans le domaine du ressenti. Soit ça me parle, soit ça ne me parle pas, mais je n'aime pas qu'on m'en parle.

Pourtant, avec le temps, le travail de plasticien de Jean-Luc Parant m'apparaît bien trop riche et varié pour envisager son obsession pour les boules comme un concept. Elles son instrument. Un guitariste ne joue que de la guitare, mais il joue toutes sortes de musiques, toujours de la musique. Jean-Luc parant ne fait que des boules, mais il fait toutes sortes d'installations et c'est toujours de l'art. 

La boule me donne l'impression des œillères qu'on met aux chevaux. Parce qu'elle leurs permettent d'ignorer ce qui se passe sur les bords de la route, parce qu'elles leurs permettent de se concentrer sur le chemin, elles leur permettent d'avancer vite, loin. Paradoxalement, c'est peut-être ce point d'ancrage des boules qui a permis à Jen-Luc Parant d'aborder tous ces sujets, toutes ces compositions. C'est cette restriction qui permet le mouvement.

Alors que Kristell Loquet, l'éditrice de ce catalogue, souligne ce mouvement, on est frappé par l'immobilité des photographies de Jacqueline Salmon. Des paysages minéraux, des strates géologiques, des ciels, de l'eau. L'immobilité perçue n'est pas due à l'œuvre, mais à celui qui la regarde. Il est étonnant que cette femme qui est venue à la photographie par la danse dirige notre attention vers des lenteurs qui ne nous sont pas perceptibles. Les roches striées sont la trace de lentes sédimentations, de remaniements telluriques pour lesquels le millénaire n'est qu'une fraction de seconde. Ces enchevêtrements de branches de hêtres tortillards, qui en à peine quelques dizaines d'années dessinent des labyrinthes sont alors l'expression de la vitesse, des craquements qui font du ciel qu'on regarde par en-dessous un vitrail ou se déplacent lentement les nuages. 

Le dialogue entre les deux artistes résulte de l'enchevêtrement de leurs œuvres, qu'on devine dans le très beau catalogue réalisé par Kristell Loquet, mais qu'il faut aller apprécier à l'Art(s)enal de Dreux. Les gris, les ocres se répondent et les ciels de Jacqueline Salmon illuminent l'argile lacustre des boules de terres qui figurent les habitants du Lac de Grand-Lieu.

Les deux artistes se retrouvent lorsqu'ils se dépouillent de leurs étendards respectifs : les boules et la photographie. Les dessins, plus artisanaux, plus spontanés, parfois moins assurés, ont l'inattendu d'une conversation, la liberté aléatoire de l'échange, et montrent que l'exposition est bien plus qu'une simple juxtaposition des œuvres des deux auteurs.

On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, pouvoir en dire autant des textes de Jean-Luc Parant. Depuis toujours, ses textes sur les yeux, que certains trouvent hypnotiques, me semblent simplement simplement soporifiques. Pour quelques fulgurances on doit parcourir des pages entières de répétitions, de ratiocinations, comme une spirale plus agaçante qu'étourdissante.


Mais il me semble que ces textes sont à voir comme les boules, comme des briques de base à l'habillage graphique de certaines des œuvres exposées. Plutôt que de les lire dans ce catalogue très soigné par les éditions Marcel le Poney, il vaut mieux aller les regarder les yeux dans les boules, à l'Ar(t)senal de Dreux jusqu'au 14 septembre.  

Graphotopophotologies, 
Ar(t)senal, 5 Place du Marché Couvert 
28100 Dreux. 
tel : 02 37 50 18 61