Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 18 janvier 2016

Epictète. Du contentement intérieur.

Du contentement intérieur  vient de sortir. Bon, disons que l'édition originale, c'est à dire la transcription de ces propos d'Epictète par son disciple Flavius Arrianus date d'un peu moins de deux mille ans, mais ces extraits sur le contentement intérieur viennent de paraître dans la collection sagesses de Folio. 

C'est une jolie collection de livres accessibles,  textes courts, ou extraits sélectionnés d'après une thématique, et dont la couverture mate est à chaque fois très soignée. 

L'enseignement d'Epictète est simple : si tu ne fais pas la distinction entre ce qui dépend de toi et ce qui ne dépend pas de toi, tu seras malheureux. La raison, qui chez lui revêt un caractère divin, consiste à se détacher de ce qui ne dépend pas de soi, à ne pas s'en plaindre, et même, dans une certaine mesure, à ne pas s'en réjouir trop lorsque c'est favorable et à ne se sentir responsable que de ce qui dépend de soi, c'est à dire très peu de choses, assez peu pour qu'on en soit alors pleinement responsable. Il s'agit principalement des représentations qu'on se fait, de nos réactions, de nos opinions. 
« Par exemple, que signifie le fait d'être injurié ? Prends une pierre et injurie là. Quel effet produiras-tu ? Eh bien ! Si on écoute comme une pierre, quel avantage pour l'insulteur ? »

On retrouvera près de deux mille an plus tard ce principe chez Stephen Covey, qui incite à se concentrer sur son cercle d'influence plutôt que de se laisser entraîner dans celui de ses préoccupations, qui sont si nombreuses et sur lesquelle son n'a aucun pouvoir. 

Il est d'ailleurs amusant de constater que la forme du livre d'Epictète préfigure la structure des livres de développement personnel actuels. D'abord, il expose le principe du contentement intérieur. Puis, il donne des exemples de personnages célèbres. Socrate, Ulysse. Quitte à ne garder que ce qui sert son propos, et traiter Homère d'affabulateur pour tout le reste. Enfin, il force l'identification en donnant des exemples de personnes comme vous et moi, en tous cas comme Flavius Arrianus et lui, mais qui suivent ses préceptes. Epictète est précurseur, pédagogue, irritant. 

On aurait aimé, aussi, enfin, j'aurais aimé, qu'il n'ait pas recours à la caricature, à l'ironie, vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas sa philosophie, au premier rang desquels les épicuriens, dont il distord le message pour le moquer, l'invalider. Le raisonnement est un peu binaire : le contentement intérieur ou le plaisir débridé, le stoïcisme ou se conduire comme des pourceaux. 

Mais cette intransigeance fait partie de l'intégrité du personnage. Esclave d'un affranchi, affranchi à son tour, puis contraint à l'exil, il sait de quoi il parle quand il dit : « La vie de chacun est un combat. Et un combat long, aux péripéties variées. » On sent dans cette philosophie, qui invite à ne pas pleurer l'ami qui s'en va, à ne pas pleurer quand on est éloigné de son fils, ou calomnié ou devenu pauvre, une philosophie de survie, de réaction face à la souffrance, une philosophie ataraxique, calme et tranquille, calme et tranquille qui ne passe par-dessus aucun bord, une philosophie apollinienne et jamais dionysiaque,  une philosophie qui dit qu'il vaut mieux tirer sa révérence que de perdre la face, une philosophie presque trop sage, une sagesse presque trop philosophique. On ne pleurera pas si on pratique le contentement intérieur d'Epictète, paru il y a deux mille ans mais toujours disponible chez Foli oSagesses, on ne pleurera pas, mais on risque de ne pas se marrer beaucoup non plus. 

samedi 9 janvier 2016

Les éditions Marcel Le Poney

Alain Jouffroy est mort. Il y a quelques années, j'aurais demandé… Qui ? 

Mais en 2009, Les éditions Marcel Le Poney avaient sorti un livre d'entretiens d'Alain Jouffroy avec Kristell Loquet et Jean-Luc Parant, qui s'intitulait Un jeu d'enfants. 
C'était un livre très spécial. Il s'ouvrait sur un entretien que les intervieweurs n'avaient pas préparé, ils semblaient s'en vanter, après être en plus arrivés en retard. Ils restaient là, à poser le moins de questions possibles, j'avais envie de les gifler en lisant, je les trouvaient impolis vis à vis de Jouffroy, et ça donnait pourtant un livre intéressant. Alain Jouffroy est mort, mais les éditions Marcel Le poney sont encore vivantes, et ont sorti l'année dernière un autre livre d'entretien, avec Louis Pons. J

e voulais le chroniquer bien, et la peur de mal faire m'a paralysé. Et puis Alain Jouffroy est mort, et quitte à parler des éditions Marcel Le Poney, c'est l'occasion de parler aussi de ce livre d'entretien 
« Au précis, l'imprécis se mêle ».  C'est plus accueillant, moins sec qu'Un jeu d'enfants. Sans doute parce que Jouffroy est un poète, un écrivain, un critique d'art, et que Louis Pons est un dessinateur, un sculpteur, et que cela permet une iconographie plus attrayante. Mais c'est aussi parce que Kristell Loquet a changé. Il y a plus de
simplicité dans l'entretien, Kristell Loquet pose des questions, nourrit l'échange, approfondit les réponses. Le livre est complété par un cahier hors texte de photographies de l'atelier de l'artiste. Il ne me semble pas que Kristell Loquet ait essayé de faire de belles photos, mais plus de nous montrer de façon documentaire l'atelier de l'artiste. Et c'est la profusion. Comme les dessins de Louis Pons, constitués de milliers de traits, de coups de griffes qui font des fragiles silhouettes, parfois frêles souvent un peu sinistres. Il y a plus encore de poésie dans les sculptures faites de collages d'objet de récupérations. Un peu comme l'entretien, fait de collages de questions réponses sans volonté imposée. C'est cela, la méthode de Kristell Loquet cueilleuse de parole, une méthode qui s'affine au fil des parutions des Editions Marcel Le Poney. Faire des entretiens sans
J'ai toute la collec !
garantie. Pas de point de vue préalable, même si cela prive de l'assurance d'obtenir un livre qui se tient bien, poli. Au poli elle préfère le poil, parfois le poil dans la main, d'autres le poil à gratter, ses livres d'entretiens sont touffus, drus, ébouriffés mais beaux comme des coeurs. 


Quant à Kristell Loquet éditrice, elle met toujours un soin incroyable sur la réalisation de l'objet livre. Pour moi qui suis un anarchiste du livre de poche, qui corne, plie, sousligne anote, ses livres sont une tortures, car ils sont trop beaux pour que je les maltraite.
En cette période de début d'année, on a les Noël en retard, les cadeaux aux gens un peu moins proches, et les livres d'entretien de Marcel Le Poney, Jouffroy, Pons, Butor, Vlaminck,  sont des cadeaux qui permettent de découvrir des artistes d'une page de notre histoire que la mort d'Alain Jouffroy ne fait que commencer à tourner. 



Bonus : 
-Fais une tête de monstre et fais les tous tomber
- OK !