Ce que j'ai pensé de

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Des bouquins, et pas de place pour les ranger

mardi 13 novembre 2018

Un long moment de silence, Paul Colize

J’ai emprunté à la médiathèque “Un long moment de silence” de Paul Colize, dans une chouette édition de la Manufacture de livres. On ne peut pas lire que des poches...

Stanislas Kervyn, patron autoritaire d’une entreprise de cyber-sécurité a écrit un livre enquête sur une tuerie qui a eu lieu en 1954 à l’aéroport du Caire, et dont son père a été une victime collatérale. Après une interview télévisée, un appel lui révèle que son enquête est incomplète, pire qu’il a fait fausse route. 

Nathan Katz est arrivé à New-York en 1948. Il rencontre d’autres rescapés des camps de concentration, qui, comme lui, ne supportent pas l’idée que la plupart des bourreaux SS poursuivent une vie tranquille sous une identité parfois si simple à démasquer. 

La structure du roman est tout à fait classique. Les deux histoires sont déroulées en parallèle et le suspense repose sur la façon dont elle vont se connecter. De même, le personnage du narrateur est un anti-héros parfait, pas dans la veine du loser magnifique mais dans celle du salopard hyper-efficace. Pour corser encore l’antipathie qu’il provoque au lecteur, Paul Colize a affublé Stanislas Kervyn d’une addiction sexuelle qu’il satisfait de manière brutale ; plutôt Marlon Brando que Dom Juan. Il lui faut une faiblesse pour que le lecteur le supporte, Colize lui colle des migraines terribles. Le style est direct, sans fioriture, très efficace. Bref, un thriller qui marche bien.  

On tourne les pages de manière compulsive, mais sans en attendre plus qu’une intrigue bien menée. Les personnages sont à la limite de la caricature, un narrateur ténébreux, une belle traductrice inatteignable, un héros vengeur qui doit faire des choix cornéliens. 

Le risque de ce genre de livre aurait été de prendre le lecteur en otage, de tirer sur la corde sensible des rescapés de camps, et de se contenter d’une intrigue paresseuse.

Et puis, au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans le livre, les motivations des héros expliquent leurs comportements, on comprend les cuirasses de violence, sexuelle, sociale, les fêlures qu’elles camouflent, on espère une rédemption, qui semble presque possible. 

On aurait aimé, enfin, j’aurais aimé, plus de description, parfois. À force de vouloir faire tourner les pages, Colize nous prive des visages et des paysages. Mais on s’attache aux personnages, et c’est pour ça qu’on aurait aimé, enfin que j’aurais aimé qu’un long moment de silence, paru à La manufacture de livres, soit édité en poche pour en faire une chronique pour Des poches sous les yeux. J’écris celle-ci, je laisse passer quelques jours et je pense enfin à vérifier : Ah, Un long moment de silence, le très bon thriller de Paul Colize est publié chez folio-policier ! 


PS : audio à venir... quand j'ai le temps.