Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 18 mai 2015

Trompettes de la renommée : Michel Goussu à Étonnants Voyageurs

J'ai mis une casquette pour faire voyageur.
Étonnant, non ?
Photo : Drawoua récréation
Je serai au festival " Étonnants voyageurs " à Saint Malo, dimanche prochain, 24 mai, avec le Castor Astral, pour dédicacer Le Poisson pourrit par la tête et prendre un peu de temps avec tous ceux qui auront envie de discuter. Ce sera au stand 169, de 15h00 à 17h00.

Le programme des signatures "éditeurs" pour le dimanche est disponible ici

Puisqu'on est dans l'autopromotion, j'en profite pour vous montrer combien l'interview est un exercice qui se travaille. 

J'ai "donné" ma première interview pour Radio Béton. J'adore l'équipe Des Poches Sous les Yeux, mais ils sont trop gentils : il faut me couper la parole quand je parle pendant 30 minutes ! C'est ici, et  au moins, on a le temps de parler un peu de hip-hop. 

Un mois après, une autre jolie rencontre. Roland Françoise s'occupe de littérature pour Radio Massabielle ( radio guadeloupéenne... Catholique, je crois). Il chronique un livre par jour UN LIVRE PAR JOUR. Le pire, c'est qu'il les lit vraiment. Une interview plus resserrée, que vous pouvez écouter

Les chroniques de Roland Françoise sont disponible sur ce site et notamment la très bienveillante lecture qu'il a faite du Poisson. 

Merci à tous ceux qui m'apportent leur soutien et leur amitié, j'espère vous rencontrer dimanche à Étonnants Voyageurs !

lundi 4 mai 2015

Truman Capote, de Lilianne Kerjan

Truman Capote, par Liliane Kerjan est disponible en Folio dans la collection Biographies.  Il y a deux pôles extrêmes pour la rédaction d'une biographie. Le travail universitaire et le roman d'une vie. Il faut un peu des deux. Du travail de recherche, de documentation, parce que le lecteur veut en savoir plus. Mais aussi un pari sur les sentiments de celui qu'on dépeint, parce qu'il faut passer de la personne au personnage, s'adresser au cœur du lecteur. L'écriture de Liliane Kerjan, malgré une décontraction un peu forcée, révèle l'universitaire à la fois sûre d'elle et un peu empruntée. On ne peut lui reprocher de choisir une biographie factuelle, c'est souvent ce que les biographies à l'américaine font de mieux, mais il manque une épaisseur, un élan dans le ton. L'identification, le rapport affectif avec le personnage sont sans cesse remis en cause, parce que Liliane Kerjan découpe le livre selon des perspectives thématiques. Elle impose au lecteur des aller-retours dans le temps  qui le ramènent à une compréhension intellectuelle plutôt que sensible de Truman Capote.

Et pourtant. Chacun des épisodes décrits par Liliane Kerjan révèle la sensibilité de Capote. Pas une sensiblerie pastel, mais une sensibilité d'écorché, exacerbée par une soif de revanche qui donnera à l'écrivain le carburant pour travailler comme un acharné et se faire dans le monde une place qui compenserait l'enfance chaotique, qui ferait oublier le doute existentiel , le doute qui taraude un enfant dont les parents ne semblent l'aimer que par intermittence.  Le père, moitié escroc, moitié aventurier, organise les haltes et les excursions des petites croisières fluviales qui vantent les charmes du Mississippi. Le petit Truman y participe parfois, il y croise Louis Armstrong, il y apprend à danser, à séduire.

Séduire, c'est ce que fait sa mère quand le père est absent, souvent, et qu'elle s'ennuie, midinette de vingt ans piégée trop tôt dans une vie de famille qui l'étouffe. Le petit Truman est mis en pension chez des tantes, et c'est là que la campagne du Sud sauvage l’imprégnera. Truman conjure la solitude en restituant les ambiances, il comprend, ou il décide, que l'écriture sera l'arme avec laquelle il se tracera un destin. Sa mère, elle, a trouvé le sien dans une aventure plus solide que les autres, avec un certain Joseph Garcia Capote. Truman, en prenant son nom, tuera sans remord apparent ce père qui n'a pas su prendre soin de lui.

On connaît mieux la suite. Joe Capote emmène sa conquête à New-York, et Truman finira par les y rejoindre. Truman s'y fraie un chemin avec ses armes favorites : le charme et l'écriture. Rapidement, ses romans charnels sur le sud lui apportent la reconnaissance. Mais il prend un tournant radical, celui qui mène à « De sang froid ». Deux marginaux ont exécuté une famille de fermiers. Capote remonte la piste, explore les âmes tourmentées des  meurtriers, celle aussi de l'Amérique profonde, injuste. Il invente le récit véridique, retarde le livre jusqu'à l'épilogue : l'exécution des deux accusés. Ce n'est pas de la fiction, mais c'est le succès. Celui auquel Capote aspire tant : critique, médiatique, planétaire. Mais le réel brûle l'écrivain comme la bougie le papillon de nuit. Celui qui a obtenu tout ce dont il rêvait s'inspire de la phrase de Thérèse d'Avila pour entamer un dernier roman qu'il n'achèvera jamais :  « Il y a plus de larmes versées sur les prières exaucées que sur celles qui ne le sont pas. » Ces prières exaucées, ce sont celles de ses amis riches et puissants, qu'il décrit avec minutie et sans pitié. A-t-il conscience de les trahir, d'abuser de leur confiance, de l'intimité dans laquelle il sait se glisser ? Sans doute. Mais l'écriture passe avant tout. Elle lui a tout offert. Elle lui reprendra tout. Capote est renvoyé à ce qu'il n'a jamais cessé d'être : un enfant du Sud, ambitieux, fragile, ambitieux parce que fragile. En refermant ce Truman Capote de Liliane Kerjan, chez Folio, on n'ose à peine prier, de peur d'être entendu, ou alors simplement pour demander la seule chose qui compte vraiment, au final : être heureux et entouré de ceux qu'on aime.


Pour la version audio, ici, j'ai découvert Mississippi Fred McDowell dont le morceau You gotta move sert de fonds sonore.