Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger
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mardi 22 mars 2016

Ce qui est écrit change à chaque instant.

Avec Ce qui est écrit change à chaque instant, le Castor Astral fête les 101 poètes publiés au cours de ses 40 années d'existence. 

Le Castor se penche sur ces quarante années comme pour donner raison à Franck Venaille dont on peut lire dans ce recueil : « J'étais cet homme qui revenait sur ses pas. J'avais moins peur ! Je pouvais pénétrer dans la forêt de mimosas et regarder avril en face. » 

La poésie, au Castor Astral, c'est une poésie d'après les rimes, d'après les formes habituelles, une poésie qui cherche à s'approcher de nous à s'imiscer dans la vie quotidienne, pour une petite danse de tous les jours comme celle que propose Ariane Dreyfus. 


Parfois, je te demande seulement de danser. 
Que nous dansions 
piétinant tendrement. 
Petits, les enfants s'approcheraient
La danse si discrète sans être nus
C'est une braise adoucie, 
Les vêtements des amants.

C'est aussi une poésie de combat, brute, avec des phrases comme celle que Lance Daniel Biga : 

Les chants désespérés sont les chants les plu beaux... disait l'autre connard et c'est du désespoir qu'on tire la plus belle bière...

C'est une poésie qui a les deux pieds dans le réel, et qui pourtant tend le cou pour nous voir d'au-dessus, sans nous regarder de haut, c'est Renaud Ego qui écrit : 

Noeuds routiers parkings vagues sur un reste de vert
les splendides villes sont devenues obèses
Le suint de l'époque y déborde partout
bibelots gadgets vêtements victuailles
que des yeux lapent et que d'autres yeux surveillent.

En quarante ans, la poésie en a pris plein la gueule, dans toutes les directions. Les aphorismes goguenard de Frederic Lasaygues :

Il y aura toujours des marchands de chaussures trop petites pour vous persuader qu'elles se feront à votre pied
Ne les croyez pas
Les marchands d'idées toutes faites procèdent de la même manière

Parfois une poésie qui regarde là où ça fait mal, vers l'absence, quand Kirmen Uribe écrit : 
Tu aimais le risque
De l'avis de certains, une enfance difficile
 aurait définitivement gravé des ruisseaux taris dans les paumes de tes mains,
d'où cette tendance à t'approcher de la marge, de l'abîme

Et parfois, une poésie qui réconcilie avec Miriam Van Hee :

Ce qui console n'est pas la lumière
l'important, c'est qu'elle change
disparaît et revient

d'où que vienne le chagrin.

Ce qui est écrit change à chaque instant, c'est une anthologie, une suite de portes entreouvertes, dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs qu'on aura envie d'aller voir ou nonOlive Senior, Ossang, Jean-Yves Reuzeau. Ou de Charles Juliet, dont je ne peut citer une ligne car je soufrirais trop d'avori coupé son poème où aller que faire. 

La poésie se relit, bien mieux que ne se relisent les romans, trop lourds pour les vies nomades. On peut la relire souvent, par fragments, il suffit de quelques minutes, et on se rend compte que ce qui est écrit change à chaque instant, selon la phrase de Transtromer qui sert de titre à ce petit livre dense. Ce qui est écrit change, parce qu'on a bougé, parce qu'on ne lit plus du même endroit de nos vies, parce qu'on ne cesse de chercher, d'un poème à l'autre, d'un auteur à l'autre, d'une vie à l'autre, parfois, parce qu'on a plusieurs vies quand on cherche la beauté comme des chasseurs cueilleurs, au gré de nos saisons, qu'on appelle des âges. On peut refermer Ce qui est écrit change à chaque instant, Au castor Astral, et garder en mémoire cette phrase 

Les sédentaires cherchent en vain les portes de désert. 




Ce qui est écrit change à chaque instant
40 ans d'édition / 101 Poètes
Le Castor Astral
12 € (12 € putain, c'est rien pour 40 ans de poésie)

lundi 6 juillet 2015

Interview brestoise

Pas de chronique ce lundi. 

Ce n'est pas faute de lire. Mais trop de  changements. D'appartement (pas encore un nouveau mais déjà presque plus d'ancien). De ville. De vie : d'amoureuse mais un nouveau job. Ce qui ne change pas : de la route, de la route...

A la place, voici une interview, qui fait suite à une lecture-débat au Mouton à cinq pattes.
Bien-sûr on aurait aimé, enfin j'aurais aimé, vous raconter par le détail l'accueil merveilleux de Claire et Virginie. Mais aussi comment parfois, le brestois, comme le gremlin, se transforme après une certaine heure. A cette différence près qu'il faut éviter de donner de l'eau aux gremlins alors que la transformation au comptoir, si elle venait bien d 'un excès de verres ne venait pas d'un excès d'eau... Mon fiston qui colorie pendant que papa joue les vedettes, les amis, qui vident leur porte-monnaie pour que la pile de livres commandés par La petite librairie

Et l'angoisse de l'auteur inexpérimenté (ça y est, je parle de moi à la 3ème) qui doit trouver la dédicace personnelle en moins de six secondes pendant que le lecteur, avec qui il avait fait ses études il y a 15 ans,  le regarde attentivement : " vas-y, t'es écrivain, vas-y trouve des phrases, et pas du tout cuit, hein, trouve la dédicace, parce que sinon, hein, la prochaine fois, je mets mes 17 euros dans le dernier Amélie Nothomb..."

Mais hélas, 50 pages à lire pour demain. Et si vous pensiez après avoir lu Dostoievski (chronique bientôt, je l'ai relu... Aïe, bobo la tête) que vous aviez atteint le summum du profond, du tordu, de l'incompréhensible, croyez moi, c'est pire. 

Merci donc, au Mouton à cinq pattes, à Claire et Virginie, à celles et ceux qui sont venus me soutenir, qui m'ont logé, ont partagé le barbecue, et à Nathalie qui a préparé l'interview pour le poulailler. 

C'est !

lundi 8 juin 2015

Verlaine avant-centre, de Jean-Louis Crimon

Lorsque j'ai commencéVerlaine avant-centre, de Jean-Louis Crimon, disponible au Castor Astral, je savais que c'était un peu cruel de ma part. Un auteur a toujours envie qu'on lui parle de son dernier né, et pas du roman qu'il a écrit il y a dix ans (20 ans en l'occurence pour celui-ci). Mais voilà, lorsque je l'ai rencontré au salon Étonnants voyageurs, j'ai lu la première phrase de Verlaine avant centre, et je n'ai plus eu envie de le quitter.

« Aujourd'hui encore je me demande si ce qui me rend le plus malheureux, c'est de ne pas savoir qui de nous trois a eu le premier l'idée d'inventer la vache bleue, ou bien si c'est d'avoir seul pressenti que l'été de la vache bleue ne reviendrait plus jamais. »

S'il y a une chose difficile en littérature, c'est de faire parler les enfants. On leur prête souvent des langages trop simples, ou trop fantaisistes, et on passe à côté de leur logique implacable, pas encore usée dans les angles par l'érosion de la politesse, de la convention, par les implicites que l'habitude finit par installer.

Immédiatement, on a envie de prendre dans les bras ce petit narrateur à qui Crimon prête une voix si juste. Plutôt, on a envie de le rejoindre dans cet âge où l'amour circule encore, et avant tout l'amour entre le père et le fils. Chaque jour, ils rejouent un des buts marqués par leur héros lors de la dernière coupe du monde. Le petit garçon prend le rôle de Just Fontaine, le mythique buteur du stade de Reims. Le père et les arbres du vergers seront tous les autres joueurs. Ce père qui multiplie les heures pour faire bouillir la marmite, puise sa fierté dans les victoires de son club, de son joueur, plaisir de prolo que Crimon nous montre sans populisme ni condescendance, comme un souvenir d'une enfance où les choses, et les gens, étaient durs mais simples.

Enfin, pas si simple, les rapports avec les gamins de l'école. On se moque de son œil qui louche, mais surtout, on se déchaîne sur celui qui hésite entre devenir footballeur et devenir écrivain. Il suffit que son professeur le félicite pour une phrase, une simple phrase, pour que la haine des paysans taiseux se déploie. La méchanceté s'acharne toujours sur ceux qui sortent un peu du cadre.

Bien-sûr, on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que Crimon sorte de son propre cadre car la description des buts qui clôture chaque chapitre finit par être un peu répétitive, du moins pour qui n'a pas vécu la coupe du monde de foot de l'année 1958. Et pourtant. Cette scène 13 fois recommencée où les arbres prennent la place des attaquants adverses, la minutie avec laquelle le père et le fils se préparent, c'est un langage d'amour silencieux. Les mots, eux, sont réservés à sa mère, qui aimerait les coucher sur le papier mais que la vie cloue à sa lessiveuse, sa cuisine, à la pauvreté du ménage, ou à sa tante, qui aurait croisé Verlaine dans un café parisien et qui garde précieusement un exemplaire de Jadis et Naguère. Verlaine avant centre a les maladresses de son narrateur et c'est ce qui en fait non pas un produit, mais un livre. De ceux qui nous rappellent que le temps, en fait, n'atteint jamais vraiment l'enfant qui survit en nous, séquestré, ligoté, bâillonné, cet enfant qui voulait être, comme Jean-Louis Crimon, Verlaine avant centre, disponible au Castor Astral.


L'audio disponible ici, cache un petit clin d'œil au dernier paragraphe, issu d'un truc de Weber, Der Freischütz Overture. 


jeudi 4 juin 2015

Le Poisson reçoit le Prix de l'inaperçu 2015 !

JY Reuzeau s'inspirant de la classe du poisson selon Marc Taraskoff
Je suis en vélo. Je roule. Si tout se passe bien, dans quinze jours, je serai à nouveau dans un bureau, alors, il vaut mieux profiter du soleil, de la forêt, qu'on peut atteindre en une grosse demi-heure si on pédale bien. Dans dix jours, je refermerai une parenthèse. Depuis 3 ans, j'ai passé le plus clair de mon temps à m'occuper de mon roman, le Poisson pourrit par la tête. 

Il est sorti en janvier. Le lendemain du carnage. Autant dire qu'il est passé un peu…

Une sonnerie. Dans mon casque bluetooth, le livre audio (L'idiot, de Dostoievski, comment ai-je pu être fan de cette écriture à la truelle?) s'interrompt pour m'indiquer un appel. C'est Jean-Yvez Reuzeau, mon éditeur.

- Michel ?
- Euh, oui, qui…
- C'est Jean-Yves. Tu n'as eu personne du Castor ?
- Pas depuis Étonnants voyageurs...
- Tu as reçu un prix ! Le Poisson, un prix !

A lire si vous ne connaissez pas encore Ignatus Reilly
Le Prix de l'inaperçu ! Le poisson pourrit par la tête est le lauréat 2015 du Prix de l'inaperçu ! / Ignatus Reilly. Il récompense deux romans, récits ou recueils de nouvelles, l'un de langue française et l'autre, étranger, « qui, en dépit de leurs qualités de style et/ou de fond, n’ont pas reçu l’accueil médiatique qu’ils méritaient lors des ″rentrées littéraires″ ».

Aucun prix ne pouvait me rendre plus heureux, me donner plus de baume au cœur. C'est comme un parent qui se penche sur ton épaule et te dit : « Bon, personne ne t'a remarqué, mais moi, j'ai vu que tu avais bien écrit. »

C'est comme de l'arnica sur une bosse.

Il n'y a pas d'argent à la clef, pas de partenariat mirifique, pas d'invitation à la Grande Librairie ni au Petit Journal. Juste, et c'est ce qui compte le plus, des gens dont c'est le métier de lire -journalistes, auteurs, éditeurs (pluriel neutre car le jury est bien mixte)- qui te disent : « Bon, personne ne t'a remarqué, mais nous, on a aimé ce que tu as écrit. »

Alors que dans quinze jours il faudra retourner gagner sa croûte et recommencer à écrire dans les marges, dans les interstices, juste avant que la parenthèse ne se referme, comme un retour à la case départ (pas d'meuf, pas d'taff, c'est bien casse-gueule), c'est un clin d'œil de ceux qui sont du bon côté de la littérature, et qui te disent : « Tiens-bon. Et à la prochaine fois ! »


Merci, merci, merci. Merci au jury, merci à vous toutes et tous !

Après, je suis tellement content que je pédale dans tous les sens, un rayon de soleil tombe sur une grande mare que le bonheur me fait voir comme un petit lac secret, je descends de vélo, je danse, je rigole, je repars, j'appelle ma mère, je roule dans le bonheur et les allées forestières. Je me perds, il me faut deux heures pour rentrer chez moi, je finis sur le plat dans le plus petit braquet possible, vidé, mais heureux

mardi 27 janvier 2015

A l'étal du poissonnier


Le rendez-vous de kiné était à 19h30. Une heure à tuer. Je passe à la fnac. Sur la table, parmi les nouveautés francophones, le Poisson côtoie Guenassia. Je l'avais interviewé, une fois, pour une radio locale, dans une ambiance un peu tendue. Tendue à cause du libraire avec qui on avait un partenariat, qui était arrivé avec 3 heures de retard. Il n'a pas dû oublier non plus : chez lui, pas de place à l'étal du poissonnier.  La libraire de la fnac, au contraire, est tout à fait sympathique. Nous savons tous deux que les séances de dédicaces pour les primo-romanciers se résument à de longues heures gênantes et solitaires, alors je me contente de la remercier. 



Je dis presque personne parce que quelques tous petits échos nous parviennent. Pas vraiment du monde de la culture, puisque le seul journal qui ait consacré un article au Poisson c'est celui de la CGT, la Nouvelle Vie Ouvrière. L'article, très sympathique, est titré "à la dérive". C'est amusant, pour un poisson. 


Je dis presque, aussi, parce qu'un blog, Encres Vagabondes lui a consacré un long article, et on peut le lire ici. De manière générale ce "site littéraire pour lecteurs curieux" mérite un clic de souris. Le hasard, ces temps-ci, me veut du bien. L'article de la NVO côtoyait celui sur le dernier livre de Virginie Despentes et la critique des encres vagabondes fait encore référence à l'auteure de Vernon Subutex. C'est assez flatteur. Pour le rest, il s'agit d'une lecture précise du Poisson, et c'est agréable de se rendre compte que certains des messages passent aussi auprès de gens qui ne me connaissent pas. 

Et je dis presque personne, aussi, surtout, à cause des autres, ceux qui me connaissent. Au départ les tout proches, pour qui la question est "où commence le roman" ? Parce qu'ils n'osent pas demander "où s'arrête l'autobiographie ?" Ça fait un peu peur, d'imaginer un type qu'on connaît accroupi en chaussettes sur la cuvette des toilettes pour handicapés. 

Et puis, par des chemins que je ne connais pas, ceux, moins proches, qui m'envoient des messages, pour le moment très positifs. Je suis agréablement surpris de la bienveillance de ces premiers lecteurs, et de la pertinence de leur lecture. Quand on écrit, on travaille tout seul, pendant des mois, sur des aspects de construction, de rythme, et quand on est à peu près content on se dit que jamais personne ne se rendra compte de la différence. Et finalement, si. Et ça fait chaud au cœur.   


Bon, bien-sûr, même si les visites sur le blog augmentent rapidement, même si les piles avaient diminué de quelques exemplaires à Rennes, à Brest, à Betton, à Quimper, aussi, m'a-t-on dit, on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, bénéficier de la couverture média de l'autre Michel (en haut à droite, sur la photo, un petit gars qui monte, paraît-il), mais chaque petit message que je reçois me fait me dire que je n'ai pas écrit pour rien. Un lecteur tellement différent de moi se retrouve dans la peau du narrateur, et je suis rassuré : tout le monde peut s'y retrouver. Une lectrice, aussi, m'a remercié d'avoir parlé des "petites mains", d'avoir souligné qui fait le boulot dans une boîte, et ça m'a suffit à me dire : "Finalement, même si maintenant je suis chômeur en fin de droits, ça valait le coup."

Bon, je m'étale, je me répands, on dirait une Miss France alors qu'un simple merci suffirait. 


Merci. 


samedi 10 janvier 2015

Merci pour ce Poisson (aux libraires, à ma représentante préférée, aux lecteurs du blog, et bientôt à ceux du roman)

Merci pour le Poisson. 

À la librairie Dialogues, Brest
Mon humeur était aussi grise que le ciel de ce samedi matin : pour une fois, j'étais en phase. Le guichet automatique n'a pas réussi à charger sur ma carte de transport les douze euro soixante qu'il est pourtant parvenu à débiter de ma carte bancaire. Je prends donc un ticket de métro pour pouvoir aller au syndicat des transports me faire rembourser d'autres tickets de métro. En sortant de la station République, la pluie était toujours là mais je n'étais déjà plus du tout en phase. Les soldes. Des gens partout, des sacs, pressés (les gens, pas les sacs, ou alors sur le cœur à cause du joli blouson
en daim qui m'aidera dans les moments durs), des pousse-toi-de-là-que j'm'achète-un-slip.
Au guichet, une dame très gentille me fait une nouvelle carte de transport : « Ah, mais vous avez des lunettes, maintenant, je vais vous refaire une photo. » Elle sort sa webcam, « souriez », puis me montre : c'est donc ça ma gueule ? Les quarante ans sont arrivés avec un peu d'avance. 

Pourtant je me suis appliqué à sourire, et ce sourire reste sur mes lèvres pendant que je remonte la rue : je vais voir si ce livre, mon livre, est dans les librairies. Ça peut paraître dingue, mais je n'ai pas eu l'idée tout seul. Hier, entre les échanges catastrophés, un SMS orphelin est arrivé sur mon portable, pas un mot, juste une photo du Poisson, bien en vue sur une table. Le message vient de Brest, je n'ose pas croire qu'il s'agisse vraiment de l'étalage de la librairie Dialogues. Pourtant, le SMS qui suit le confirme. Mais alors, à Rennes ? 

Chez Lefailler, à Rennes
Chez Lefailler, je ne peux pas me plaindre. Le Poisson est en rayon. J'aime l'alphabet qui fait se succéder Goussu et Gracq. Le Poisson côtoie En lisant, en écrivant et c'est un hasard qui me fait rougir. 

Au Forum des livres, c'est carrément le luxe. Trois exemplaires du Poisson sur la table littérature, à côté de Jérôme Garcin, et de Jean-Michel Guénassia. 

Il faut savoir que passer à table, dans un commissariat comme à la rentrée littéraire, c'est la clé d'une sortie réussie. Cinq cent romans débarquent dans les librairies en janvier. Vous êtes dans les rayons, personne ne vous remarque, à part les lecteurs de Julien Gracq. Vous êtes sur la table, tout le monde peut vous voir et pas seulement les fans de Jérôme Garcin ou de Guénassia, surtout avec la superbe couverture que Marc Taraskoff a faite. Merci, Marc. 

Au Forum du Livre, Rennes
Et Merci à Solène, du Forum du livre, merci à Caroline, de Dialogues à Brest, merci à tous les libraires qui ont envie de soutenir ce bouquin, merci à Carole, l'excellente représentante Bretagne,  qui est allée les voir pour leur présenter le Poisson. Car internet ou pas, il faut le dire, le répéter : LES AUTEURS NE SONT RIEN SANS LE SOUTIEN DES LIBRAIRES.

Bien-sûr, les journalistes littéraires orientent, conseillent, bien-sûr c'est parmi les blogueurs qu'éclosent les avis les plus fouillés et les plus sincères, mais les libraires prennent un risque en soutenant un livre. Pour avoir un ouvrage en rayon ou sur une table, ils achètent des exemplaires du livre. C'est se qu'on appelle l'office. Les livres invendus peuvent en général être renvoyés, ce sont les retours, et le libraire est alors remboursé. Mais entre les deux, c'est bien la librairie qui avance la trésorerie. C'est pourquoi, si l'envie vous prenait de vous procurer Le poisson pourrit par la tête, je vous serais encore plus reconnaissant de le faire auprès de votre libraire préféré. 

Mais comme c'est les soldes, je vous suis déjà reconnaissant. En effet, le mois dernier, le blog a dépassé les mille vues par mois. Sur le net, c'est totalement lilliputien, mais pour moi, c'est énorme. Si on divise par le nombre de chroniques et qu'on retranche nos amis robots, en pondérant par les statistiques corrigées de l'inflation, ça veut dire qu'on est au moins plusieurs à se retrouver le lundi pour parler de littérature. Merci à vous qui prenez le temps de lire mes trop longues chroniques.  

Si vous voulez n'en rater aucune, vous pouvez d'ailleurs rentrer votre adresse dans le petit formulaire en haut à droite « être informé par mail » (je ne vois pas les adresses moi-même, le site génère les envois de façon anonyme). Vous pouvez aussi aller sur la page facebook du blog car j'y annonce la publication des chroniques. Mais vous pouvez surtout passer quand vous voulez, parce que l'important, c'est que ça fasse plaisir. 

J'avais le cafard en commençant cette chronique. Je finis ma tasse de tisane, ma chronique, je relève la tête, il a disparu. Merci.

jeudi 8 janvier 2015

J = J+1, les humains aussi pourrissent par la tête.


Aujourd'hui ce devait être le jour J. Je l'ai espéré pendant des années, au point de ne plus y croire, puis j'y ai cru parce qu'on l'avait programmé, signature à l'appui. Hier, c'était J-1. Et aujourd'hui, on se réveille tous à J+1, avec la gueule de bois du millénaire. Aujourd'hui, ce devait être le jour J, la sortie de mon premier roman, et c'est l'absurde lendemain de la tuerie à Charlie Hebdo. 

Ne parler que de la sortie du Poisson, ça aurait été bizarre, déplacé. Mais ne pas
en parler du tout, ce serait une victoire de plus, une toute petite nano-victoire de plus pour les terroristes.
À la radio, déjà, on ne parle que d'eux. Ou des policiers qui les traquent. Ou des musulmans qui vont subir la double peine de la stigmatisation et de l'amalgame, et faut-il qu'ils soient en tête de cortège, dimanche, pour montrer qu'ils se désolidarisent, et faut-il qu'ils portent des petits panneaux #NotInMyName ? On ne parle que des partis politiques qui organisent la grande conciliation républicaine : avec ou sans le FN ?

On parle de religion et on parle de politique, c'est ça la vraie défaite. Depuis deux jours, j'entends en boucle les représentants de tous les cultes, de tous les partis, et je pense aux victimes, une femme et des hommes qui sont morts ces anars, à ces athées, ces bouffeurs de curé, qu'on devrait célébrer en levant le majeur bien haut ou en montrant son cul. Et aux flics qui défendaient des anars, comme ça se fait en démocratie.
Photo : Drawoua 
J'entends des journalistes dire « de là où ils nous regardent, ils voudraient que... ». D'où nous regardent-ils, bande de cons ? Ils sont morts ! Leurs dépouilles sont probablement en train de subir des examens balistiques sur une table en inox de l'institut médico-légal de Paris. « Ils voudraient que... » ils voudraient que quoi ? Qu'on ne parle pas à leur place ? Qu'on ne parle pas en leur nom ? Ils ont déjà dit ce qu'ils avaient envie de dire : la preuve, ils en sont morts. 


CITIZENSIDE / MANON THAUST / AFP
J'étais au rassemblement sur la place de la mairie, hier, à Rennes. J'ai eu la chance d'arriver trop tard pour les prises de parole, et j'ai aimé ce silence, ce calme un peu désemparé, ces quelques jeunes qui tendaient des stylos vers le ciel, ou des pancartes « Je suis Charlie », partagés entre une peine sincère, un choc qui ressemble à la trouille et l'exaltation inavouée de faire partie de quelque chose qui les dépasse, d'une cause qui vaille la peine. La liberté d'expression vaut la peine. Mais à Rennes, personne ne criait de slogan (pas même « nous sommes Charlie »), personne ne se mettait en avant. Putain, j'étais ému de voir des gens la fermer pour défendre la liberté d'expression. C'était beau. Et puis il a fallu rentrer, les gens se sont remis à parler, et les machines à lieux communs ont repris du service, dans la rue comme sur les ondes. Mais quoi ? Fallait-il s'attendre à ce que, parce que des terroristes ont massacré la rédaction d'un journal satirique, la France se réveille pleine de gens de bonne foi, de bonne volonté, prêts à renoncer à se partager le gâteau que représentent toutes ces consciences qui s'éveillent ? 

Et c'est presque tant mieux, que nous ne changions pas tout de suite. Tant mieux que les terroristes ne changent pas nos habitudes. Il faut un peu de temps pour changer en bien, le temps de la sédimentation, de la réflexion, loin des copains et des attitudes. Je me souviens des londoniens, le lendemain des attentats dans le métro : « Nous ne laisserons pas un petit groupe de terroristes changer la manière dont nous vivons. »
Charlie Spirit (pardon maman)
Alors merde, bite, couille, aujourd'hui, c'est officiellement le jour J : en attendant d'aller acheter Charlie mercredi prochain, il vous est possible dès aujourd'hui d'aller chez votre libraire acheter Le poisson pourrit par la tête, pendant que son auteur se marre en pensant que le premier jour de vente de son premier livre est aussi le dernier jour de son dernier demi-mois d'allocation chômage !




Le poisson pourrit par la tête, de Michel Goussu, au Castor Astral, 17€.


mardi 23 décembre 2014

Le Poisson pourrit par la tête, de Michel Goussu, au Castor Astral.

 On se demande pourquoi on continue. Qu'est ce qu'on attend du travail qu'on fournit ? On voit ce qui marche en librairie. Cette année : Valérie Trierweiler, Eric Zemmour. Ça fait beaucoup de haine pour très peu de littérature. Et même si cette année, j'ai lu Le premier homme, et même si cette année, Certaines n'avaient jamais vu la mer, et même si cette année, William Nicholson, John Harvey, Rudigoz, et même si cette année, Les poches sous les yeux et le plaisir du travail en équipe.  Tout cela en m'a pas fait trouver du travail. Enfin ne m'a pas fait gagner d'argent. Je suis toujours chômeur, je vis toujours seul, toujours loin de mon fils. Alors, à quoi ça sert ? Et je ne vais pas vous faire la réponse des philosophes, « ça ne sert à rien, et c'est ça qui est beau ». Foutaises. Je ne sais pas à quoi ça vous sert. Moi, ça me sert à ne pas me sentir seul. À partager, avec des sensibilités qui me ressemblent, parce que ça rassure, avec des sensibilités qui me sont éloignées, avec qui, sans un livre entre nous, je ne saurais pas le faire.

Alors voilà. Il est là. Le poisson pourrit par la tête. Je le tiens dans les mains. Un livre. Un vrai livre ! Avec tout le travail qu'il m'aura fallu, à défaut de talent ou de facilité. J'ai ressorti le premier manuscrit, trop biographique, trop lourd, et que j'ai dû éclater en mille morceaux pour l'alléger d'un tiers de ses mots. Que j'ai dû retravailler pendant plus d'un an, pour trouver, enfin, l'angle fictionnel qui convenait.

Tout le travail de ceux qui sont autour.

Celui de Jean-Yves Reuzeau, qui a bien voulu remarquer ce Poisson parmi les 1500 manuscrits que le Castor Astral reçoit chaque année. Mille cinq cents, putain. Etqui m'a dit qu'à part le début tout était à reprendre.

Le travail de Bénédicte, avec qui j'ai bataillé pour des virgules et des conjonctions de coordination (attention, je n'ai pas encore vérifié que tout avait été pris en compte, je suis encore susceptible de te pourrir la vie !)

Le travail de Marc Taraskoff, qui en une seule image a su saisir l'ambiance, l'esprit. Et même changer la cravate de mon poisson pour qu'elle fasse plus corporate.

Le travail de Marc Torralba, qui a su donner à cette image la texture qu'il fallait pour en faire la couverture idéale. Je la regarde, cette couverture, je la caresse et j'essaie de comprendre comment elle peut être être aussi nette alors que le papier est texturé. Comme je ne comprends pas, j'ouvre au hasard et je hume l'odeur du papier, de la colle, je relis des passages. Et je me marre parce que je suis content.

Et François Betremieux, qui m'appelle, me demande les adresses qui manquent, celles des gens dont on espère qu'ils seront touchés, qu'ils voudront en parler. François qui m'envoie des encouragements juste au moment flippant où je prends conscience que je ne retoucherai plus jamais le Poisson. C'est à lui de toucher les gens, tel qu'il est.

Ou pas. Mais je n'ai pas envie de penser au ou pas.

Le hasard de la numération en base 10 fait que cet article est le centième de ce blog.  Cent articles, un peu moins de cent semaines. J'ai usé les nerfs de pas mal de monde au cours de ces presque deux ans. Mais aussi des trois ou quatre années qui les ont précédés. Et des trente-deux qui ont précédé celles-ci. Enfin, il paraît. On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que la sensibilité qui nous livre toutes portes ouvertes à un monde foisonnant, paradoxal, violent, cette sensibilité qui nous permet de sentir ce contre quoi d'autres ont appris si tôt à se protéger, on aurait aimé que cette sensibilité qui nous fait écrire ne soit pas aussi celle qui nous rend intransigeants, à vif, susceptibles, cyclothymiques, j'en passe, vous saurez compléter le tableau. Ceux qui m'entourent, savent combien je n'ai pas le choix. Alors à quoi ça sert, tout ça, si c'est pour ne pas rendre heureuse celle qui m'accompagne ? C'est qu'on se trompe sur l'effet et la cause. Sans l'écriture, sans la lecture, sans la compréhension du monde couchée sur le papier, transmissible, sans le partage rendu possible d'une sensation dans laquelle on se retrouve, ce serait à pleurer, sans tout ça ce serait, je serais, pire, bien pire qu'avec. Ce serait ni l'argent ni le beurre.

Le hasard des rencontres fait que je comprends cela au moment où Roger Rudigoz et ceux qui l'ont connu me l'expliquent. Et que du coup, même moins talentueux, je me sens moins seul, moins bizarre, moins maudit.

Le hasard de la tradition judéo-chrétienne fait que ce livre arrive comme un cadeau de fin d'année.

Rêvons qu'il soit la mèche d'une année du phénix qui s'est bien faite attendre.







PS : Je vous épargne l'audio pour ce billet, mais sachez que Le poisson pourrit par la tête, de Michel Goussu, au Castor Astral Éditeur, sera disponible dans toutes les bonnes librairies à partir du 8 janvier. Il dépend de vous qu'il trouve son public, comme on dit en sous-entendant qu'il a un public à trouver. Merci encore à ceux, celles, celle qui ont su m'épauler pendant tout ce temps.

PPS : ceux qui suivent un peu savent que je truande gravement puisque le blog est né en avril 2013, mais j'étais sincère quand j'ai écrit le truc puisque je pensais ne sortir qu'un article par semaine, au max. 



lundi 27 octobre 2014

Pas de chronique de livre ce lundi.


 Ce n'est pas faute d'avoir lu. Ce que je chroniquerai, j'espère, à un autre moment de la semaine. Mais aussi, et cela m'a pris plus de temps, les épreuves d'un livre que je ne chroniquerai pas. Parce que je l'ai écrit. 

Relire les épreuves d'un livre qu'on a écrit, c'est un peu comme écouter pour la première fois un enregistrement de sa propre voix. Tu sais que c'est toi, mais tu n'arrives pas à croire que c'est toi. Ou de se voir sur un film de vacance. Quand on se regarde dans le miroir, on se voit toujours plus ou moins de face, et toujours en faisant la tête à laquelle on s'identifie le plus, mais qui n'est jamais la plus naturelle. Qui se marre avec naturel devant son miroir ? Qui s'y regarde comme s'il était vraiment en train de parler à quelqu'un d'autre ? Pourtant, c'est aussi une question de miroir, comme de regarder, à quinze ans, l'état de sa peau avant un rencard. Les boutons, les points noirs, les coquilles, les tournures de phrase maladroites. Les chapitres un peu longs, et « pourquoi j'ai écrit ça comme ça ? » 

Il m'a fallu un peu plus de deux ans et demi pour écrire Le poisson pourrit par la tête. On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé que ce soit suffisant pour l'écrire exactement comme je voulais qu'il le fut. Mais entre le moment où l'éditeur finit par l'accepter, et celui où il envoie les premières épreuves non corrigées, il s'écoule des mois. Et surtout, des mois sans penser à ce livre. Des mois passés à chroniquer les livres des autres, de la musique, des mois passés à écrire d'autres choses, à tenter en vain d'avancer sur un nouveau roman, des mois à chercher du boulot, à penser à tout sauf à ce livre dont on a l'impression qu'on l'a jeté dans le grand bain : « vas-y, débrouille-toi maintenant » alors que ça ne fait que commencer. 

J'aurais dû couper ça, faire plus court. Et ce moment de rage, quand je vois que quelqu'un a remplacé, « un peu de jalousie » par « quelque jalousie ». Serait-ce de là que ça vient, tous ces mots qui n'existent que dans les mauvais livres ( moult rebondissements, un tantinet mordoré, quelque sentiment mitigé) ? Des blagues que glissent les éditeurs pour vérifier si leurs auteurs relisent vraiment les épreuves ?

Au milieu du livre, je me dis, ça, on pourrait couper, ça, raccourcir… mais… plus le temps... j'ai déjà essayé et…
Et, enfin, la fin du livre. Je suis étonné de ne me comprendre qu'à retardement. De me rappeler ce que j'ai voulu faire. De me dire que j'ai ressenti ce que je voulais que le lecteur ressente. Ce petit effort qui oblige à s'impliquer, et qui fait qu'on est déjà dedans (ou parti ?) quand la fin devient plus facile. La fin comme récompense du voyage entrepris. C'est étonnant de voir tous les éléments que je voulais enlever trouver leur destination, prendre sens. Alors que j'aurais dû le savoir, j'ai écrit ce livre. 

Lorsque j'ai laissé ce matin, à la poste, l'enveloppe qui contenait ces premières épreuves, désormais corrigées, je me suis rappelé le nombre de fois où j'avais déjà envoyé cette volumineuse enveloppe, et où en retour une simple lettre de refus, parfois personnelle, souvent standard, me rappelait qu'il fallait retravailler encore. Maintenant, c'est au Castor Astral de travailler. De corriger encore ces épreuves déjà corrigées, d'aboutir aux secondes épreuves, puis au livre définitif. Et je me suis soudain demandé, si, à l'inverse, je serais le seul pour qui la forme du livre, rapide, plus lent, rapide, aurait l'effet escompté, le seul à ressentir ce soulagement, cette réconciliation, avec le personnage, avec le livre, lorsque la fin s'accélère. 

Patience donc, en espérant que la sortie du Poisson pourrit par la tête, au Castor Astral, en janvier, m'apportera quelques réponses extérieures. 


Post-scriptum : ceux qui auront reconnu mon appartement savent que je suis incapable d'en faire des photos correctes. Celles-ci ont été faites par Drawoua Récréation, qui tient le blog Maman-Baobab, et qui en a parfois marre d'être mon amoureuse. C'est à elle qu'on doit l'existence de ce blog. 

lundi 15 septembre 2014

Jean-Yves Reuzeau, Jim Morrison, bis, sed non repetita.

Pourtant, c'est bien le même type, le même Jean-Yves Reuzeau. Celui qui avait fait une biographie "objective" de Jim Morrison. Pourtant ce livre aussi, s'appelle Jim Morrison. Mais il est sous-titré. Les portes de la Perception. On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé que tout le livre soit sous-titré. Le narrateur, c'est lui ? Qui, lui ? Morrison, Reuzeau lui-même, un des admirateurs fous qu'on croise au Père-Lachaise ? Il faut avoir lu la biographie avant. Ou après. Juste après le texte. Celle que le Castor Astral propose.  Ou juste avant, avec la préface de Michka Assayas. Pour tenter de faire le lien. Les clefs, on ne les a pas. Il faut lire sans toujours comprendre. Mais tu comprends tout à la poésie ? Tu comprends tout aux paroles des chansons, à la magie du son, à l'hystérie des foules, en bas de la scène ? A la tienne, parfois ? Il y a des femmes, les mêmes, ou pas. Mais le même cœur, fidèle, ou pas. Déchiré. Et c'est ce qu'il reste. Après une biographie objective, après l'épuisement des faits. Il reste l'intuition des sentiments. Seulement, passé 27 ans, il ne restait plus personne pour dire « ah ouais, tu m'as lu, c'est exactement ça. Bien joué l'indien. »

Introspection d'un autre, comme un poème. Remettre les phrases bout à bout, faire croire à un récit, faire croire à un texte : mais c'est un chant. Chant du cygne. Ce que Reuzeau montre, il ne le dit pas. Le voit-il seulement ? Le dérèglement. Le cerveau qui ne remet plus les phrases bout à bout, le récit de sa propre vie. Alors qui aura le courage de le dire ? Les poètes brûlent bien, comme l'alcool. Le public y réchauffe son cœur tiède. Il aime la flamme. La fumée. Trouble. Mais quand il se brûle, il s'offusque : le Roi Lézard a montré son serpent ! Et son insatisfaction. Des disques d'or, des femmes, des fans, des flammes . Mais j'aurais voulu être écrivain. Mais faire du cinéma. Mais la jalousie. Mais, au bout, l'overdose. Mais, mais, mais. 

Les Morrisons de Reuzeau, c'est de la première main. Bien-sûr leur génération s'est réveillée groggy, mais, au moins, après avoir rêvé. Mais après l'amour libre. L'espoir psychotropipque. Mais, mais, mais, quand même, après l'ivresse. Jim Morrison ou les portes de la perception, de Jean Yves Reuzeau paru au Castor Astral, nous rappelle que si,  nous, on a commencé par la gueule de bois, on pourrait bien en sortir par la poésie. 




[ edit ] : Voici la version audio, , avec deux jours de retard. 

Note : J'ai une petite sacoche, avec l'enregistreur, que j'emporte partout. Mais aujourd'hui un simple petit fil, celui du casque audio, n'était pas du voyage. On fait des sacs, on pose des sacs, on défait des sacs, on refait des sacs on porte des sacs, on repose des sacs. Et parfois, on oublie un petit fil et il n'y a pas de version audio de la chronique. 

lundi 30 juin 2014

La Confession d'une jeune fille, Marcel Proust, Le Castor Astral.

La Confession d'une jeune Fille que le Castor Astral fait paraître dans sa jolie collection des Inattendus est une ruse d'éditeur pour nous amener à Proust. Ce joli petit livre crème réunit trois textes qui n'ont rien d'inédit. La confession d'une jeune fille et Violante ou la mondanité sont deux nouvelles déjà parues dans le recueil Les plaisirs et les jours. Le troisième texte est un article que le Figaro a demandé à Proust après qu'une de ses connaissances commit un crime atroce.

La thématique de la perte des parents et  de la corruption de l'âme humaine est un prétexte à la réunion de ces textes, dont le choix illustre en fait l'évolution du style de Proust. Tous les éléments de Mademoiselle de Vinteuil sont déjà présent dans la narratrice de la Confession. Toute l'ambivalence du rapport de Proust à la mondanité est déjà dans Violante. Mais tout le style de Proust est enfin dans le dernier texte, qui n'est pourtant qu'un article de fait divers.

On voit comment Proust se fait phagocyter par la littérature. Les premiers textes sont ceux d'un débutant, ils montrent encore des maladresses, de l'hésitation. La narration est contaminée par l'explication, qui ressemble à une forme de politesse.

L'article du Figaro, au contraire est à la limite de l'incorrection. Alors qu'il parle d'une de ses propres connaissances qui a tué sa mère, Proust digresse, s'évade, cite les textes antiques, décrit merveilleusement l'arrivée du froid sur les villes. Il semble n'avoir finalement que peu de compassion pour celui qui s'est donné la mort après l'avoir donnée à celle qui lui donna la vie. Plus encore que de l'impolitesse, on pourrait y voir une volonté de tirer à soi la couverture, de se faire mousser. Or c'est précisément l'année de la parution de cet article que Proust commence la rédaction de La Recherche. Il ne s'agit plus là d'égocentrisme, mais d'oeuvrocentrisme. L'œuvre devient une fonction vitale de l'auteur, à laquelle toutes les autres sont sacrifiées, le sommeil, la respiration, la socialisation... Le style de La Recherche est déjà là, La Recherche est déjà là, comme une bête tapie qui s'apprête à dévorer son créateur, au-delà de la morale, des conventions d'écriture, de la narration. Déjà Proust sait jouer avec l'ennui du lecteur, avec son attention, avec la lenteur, les accélérations, les sensations, les retournements, La Recherche est là comme un double qui prend petit à petit le contrôle de la réalité.

Toute l'intelligence de La Confession d'une jeune Fille », paru dans la collection Les inattendus, au Castor Astral  est de casser le mythe du  Proust dilettante, amateur, et de montrer qu'il n'a en fait jamais dispersé son énergie, qu'il n'a jamais creusé qu'un seul sillon, n'a jamais tendu que la corde d'un seul arc, jusqu'à ce qu'enfin La recherche du temps perdu jaillisse, une flèche qui, encore cent ans après, touche toujours la cible en plein cœur.

Marcel Proust, La confession d'une jeune fille, Le castor Astral Editions, 12 €.

L'audio est disponible ici. 

NOTE : il manque quelque chose à cette chronique, saurez-vous me l'indiquer dans les commentaires ? C'est sans doute parce que la saison "Des poches sous les yeux' est finie que je continue à me priver de ce petit quelque chose qui reviendra dès la chronique de la semaine prochaine.

TL ; DR : Trois petits morceaux de Proust d'avant La Recherche du temps perdu, ou comment le style d'un écrivain s'impose envers et contre tout.

mercredi 18 juin 2014

J'ai un éditeur !

C'est officiel.
Je l'ai rencontré, pour de vrai.
J'ai signé un contrat, pour de vrai.
J'ai donc officiellement un éditeur. Il s'appelle Jean-Yvez Reuzeau et c'est le directeur éditorial du Castor Astral. 

Donc Le Poisson pourrit par la tête sera un vrai livre, avec des pages en papier, et vous pourrez l'acheter et me rendre immensément riche. 

Bien-sûr, la première publication n'est pas un aboutissement, c'est le début de plus de pression, plus de doute, plus d'inimitié de la part de ceux qui n'aimeront pas le livre, et qui me sembleront toujours plus nombreux que ceux qui aimeront. Bien-sûr, certains penseront à tort qu'il s'agit d'une autobiographie, et d'autres auront l'impression au contraire que je suis un voleur puisqu'un certain nombre des choses que je raconte ne me sont pas arrivées à moi mais à eux.
Et bien-sûr, on aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que le livre fut meilleur, qu'il soit entièrement fictionnel et qu'il ne m'ait pas fallu trois ans pour l'écrire, mais être publié au Castor Astral, une maison qui cultive son indépendance depuis quarante ans, à défaut d'aboutissement, c'est une reconnaissance.

Merci à tous ceux qui m'ont soutenu et me soutiennent encore sur ce travail ! 

Indice concernant le choix de J?-Y? Reuzeau
Il me faudra donc préciser mes liens de copinage quand je chroniquerai les livres que je lui ai achetés à Étonnants voyageurs, à St Malo.

Mais avant de chroniquer les livres qu'il édite (bientôt un petit ouvrage regroupant trois textes de Proust), Jean-Yves Reuzeau se présente tout seul. Sur le modèle de la séquence "S'il n'en restait qu'un" proposée par l'équipe de Des poches sous les yeux, j'ai demandé à Jean-Yves Reuzeau quel livre il garderait s'il ne devait en rester qu'un. En moins de deux minutes, il est parvenu à me donner envie de découvrir Emmanuel Bove, que je ne connaissais pas, c'est ici. Le son est un peu brouillon, c'est pris en situation à "Étonnants voyageurs".  

C'est avec ce type formidable que je vais travailler à ce que Le Poisson sorte en janvier 2015 dans les librairies. C'est pas un truc de ouf, ça ? De ouf malade ?