Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 27 avril 2015

Trône de fer, volume 3 (la bataille des rois), de Georges R.R. MArtin.

Alors que commençait la grève à Radio France, j'ai reçu le troisième volume du trône de Fer, de Georges R.R. Martin, dans la collection Écoutez Lire. Je ne l'ai jamais demandé. J'écoute les premières minutes. Et que je festoye, et que je guerroye avec mon épée qui porte un nom symbolique puissant. Derrière chaque phrase de dialogue, l'auteur ajoute un said-bookism, littéralement, un remplaçant "livresque" du verbe dire. « Cesse de me chercher querelle si tu ne veux pas que je dégaine Aiguille, répliqua Aria dans un mouvement de colère ». Je ne cite pas à la lettre, car il est difficile de prendre des notes en écoutant un livre audio sur le trajet du boulot, mais je ne dois pas être loin de l'esprit. Et puis quel sens ça peut bien avoir de commencer une série au troisième tome ? D'autant que dans le trône de fer, il y a au moins six ou sept maisons qui nouent des alliances ou fomentent des trahisons… Les Lanisters sont ils les ennemis ou les alliés des Barathéon ? et les Starks, de quel bord ? Sans compter que chaque clan retient en otage un membre d'un autre clan. Pire, chaque roi a laissé derrière lui une armée de bâtards dont il faut essayer de tenir le compte.

On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé détester ce livre audio. J'aurais aimé pester contre Gallimard qui m'envoie sans que je le lui ai demandé ce que j'aurais aimé qualifier soupe médiévale-complotiste. Mais je me suis fait avoir comme un bleu. Happé par les description, certes caricaturales, certes déjà vues cent fois, mais tellement provocatrices d'images. Bien-sûr, je n'ai pas compris la moitié des liens qui unissaient les personnages, mais chacun d'entre eux s'impose par la cohérence de ses motivations, par la consistance de son acharnement. On les sent prisonniers d'une trajectoire qui les dépasse et désireux de reprendre le contrôle de leur vie. Et de celle des autres, dévoré par l'envie de prendre le contrôle de l'ensemble des sept royaumes. Car ce ne sont pas des enfants de chœur. Pire, plus ils sont méchants, machiavéliques, pervers, tyranniques, et plus on s'approche d'eux, jusqu'à se cacher derrière chaque bannière, chaque tenture, pour écouter leurs plans tordus, leurs histoires d'amour, de guerre, leurs histoires de famille brûlantes jusqu'à l'inceste.

La lecture de Bernard Métraux est en grande partie responsable de l'attention qu'on porte à ce volume pourtant souvent indigeste. L'ensemble de ce volume est tenu par pour son interprétation parfaite. Elle n'est pas plus subtile que l'écriture de Martin, elle est pourtant aussi juste. Chaque personnage a sa diction, son ton, son défaut de prononciation. Pour le lecteur qui n'a pas en tête tous les noms, c'est une aide précieuse qui permet d'être le moins perdu possible. Et surtout, les choix qu'il fait pour chaque personnage collent à l'idée qu'on s'en ferait en lisant le texte. Bernard Métraux est avant tout connu pour son travail de doubleur, assez proche de celui de l'audio book puisqu'il s'agit d'incarner des personnages non à l'écran, finalement, mais à l'oreille.


Finalement, j'aurais préféré, chaque jour, écouter le troisième volume de la série Trône de fer, de Georges R.R. Martin, intitulée La bataille des rois, disponible en audio book dans la collection Écoutez lire, plutôt que la play-list de Radio-France, qui est pourtant la seule chance d'écouter de la bonne musique sur la fréquence de France-Inter.

lundi 13 avril 2015

Dans le café de la jeunesse perdue, de Patrick Modiano

Dans le café de la jeunesse perdue, de Patrick Modiano, que Gallimard propose en audiobook dans sa collection Ecoutez Lire, dans ce café, un soir, entre une jeune fille. Elle vient de temps en temps. Ce genre de jeunes filles mystérieuses qu'on croise à l'adolescence, et dont la passivité permet qu'on projette sur elles ce qu'on attend de l'éternel féminin. Le narrateur la décrit, elle, mais aussi la bande de jeunes un peu bohèmes qui traîne dans le café. Ils croisent l'art et la littérature sans effort, ils ne font d'effort pour rien, par romantisme ou à cause de l'ivresse. L'un d'entre eux baptise la jeune fille Louki. Elle ne proteste pas, comme si sa nouvelle identité lui permettait d'en oublier une autre. Tous imaginent les vies qu'elle a à oublier. Louki est comme un écran sur lequel tout ce qu'on projette devient flou, sur lequel par conséquent chacun peut voir ce qu'il veut.

L'écriture de Patrick Modiano reproduit le coup du rétroviseur central. Dans un embouteillage, parfois, on saisit le regard du conducteur qui nous précède. S'il est du sexe vers lequel va naturellement notre désir, on l'imagine alors plus séduisant qu'il n'est. On reconstruit autour de ce qu'on aperçoit – quoi ? les yeux ? au mieux un peu de front au-dessus des sourcils, la naissance du nez ?- on reconstruit le visage qui habillerait le mieux ce regard. Et puis arrive un rond-point, un croisement, la voiture tourne, avec un peu de chance elle repart en sens inverse et le visage auquel on est soudain confronté n'a rien à voir avec ce qu'on avait fantasmé. Il ne nous serait pas venu à l'idée d'ajouter un menton fuyant, une coiffure choucroute, une barbe négligée ou une bouche crispée et vulgaire.
Louki, bien-sûr, le narrateur la voit de face, mais il ne saisit jamais, ce qu'elle pense, d'où elle vient, ce qui la motive. On peut aimer ou non la voix de Denis Podalydès, entre banlieue ouest et rive gauche, mais son côté un peu traînant sied assez bien à l'écriture de Modiano, qui se dérobe, semble ne pas vouloir faire le moindre effort, comme Louki. Et comme Louki, on finit par s'ennuyer un peu, à force que rien ne se passe. Modiano n'est pas un canard de la dernière couvée, il change alors de narrateur. La même bande, les mêmes trajets, mais un nouveau point de vue, donc, de nouveaux fragments de la même intrigue. C'est comme de reconstruire un puzzle dont les pièces seraient découpées dans des matières différentes, et ne nous seraient apportées que par petits paquets. Louki.  Le café. La patronne. Les jeunes, leur désœuvrement, l'impasse qu'on devine. Les moins jeunes, menaces imprécises, prédateurs incertains. L'ambiance, le choix des noms, les quartiers, les parcours, les points fixes, les zones neutres, l'amitié féminine toujours un peu trouble, Modiano fait du Modiano. Je suppose que les amateurs joueront à faire semblant de se perdre, joueront à se faire peur avec la destinée de Louki, qu'on n'imagine pas alourdie de saines rigolades, de parties de sport collectif ou d'escapades campagnardes et charcutières. Reste le vin, qui noie non pas les sentiments trop forts, mais les sentiments absents, ou trop flous. Les moins conquis diraient trop mous, les afficionados diront trop délicats.

Ceux qui ont connu une Louki, qui ont tourné autour, étoiles dans l'orbite d'un trou noir, savent que le mystère c'est qu'il n'y a pas de mystère, juste l'absence de joie, et ce qu'on y projette. Le talent de Modiano c'est de montrer cette attraction de tous vers rien. On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, qu'arrive le rond-point où le regard du rétroviseur devient un visage, j'aurais aimé croiser une fois Louki de face, au moins de trois-quart, j'aurais aimé que Modiano lui laisse une chance. Dans le café de la jeunesse perdue, que Gallimard propose dans sa collection Écoutez Lire, les habitués, et Modiano avec eux, se laissent attirer par cette Louki vulnérable à ceux qui la désirent, dangereuse pour ceux qui l'aiment, ils se laissent attirer par eux-même, coincés dans l'illusion du rétroviseur central.

vendredi 3 avril 2015

Slow Down

Slow Down. Puis une note répétée 5 fois. Je ne sais pas pourquoi, mon cerveau est incapable de stocker un théorème, une référence économique, ni même un  poème classique célèbre. Mais il est farci de paroles de chansons diverses. Slow Down. No People. Ce sont des bouts d'une des chansons
Ouais, ben y a pas que moi qui sois crevé
les plus punks de Cure, même si le son marque la naissance de la coldwave. Des chansons de Cure, en entier ou par fragments, il y en a des tonnes. Je ne revendique pas cette époque musicale de ma vie. Je ne la renie pas. Ce n'est pas du Jean-Jacques Goldman, non plus. Parce que la sélection est involontaire, elle n'est pas issue d'un effort conscient de retenir certaines paroles plus que d'autres. Il reste donc aussi du Jean-Jacques Goldman. Bribes d'enfance bout de scène. Tes yeux dans mes yeux et ta main dans ma main. Muets nous nous entendions bien. AAAAH ! C'est injuste. Pourquoi ne puis-je choisir de vider ce compartiment mémoire encombré de JJG et de le remplir de formules de mathématiques de base ? 

Hein ? 

Toujours est-il qu'entre des albums entiers de NTM, ou de Jean Leloup, des fragments de  Rage Against The Machine ou de Charles Aznavour, il y a cette phrase. Slow down (mentalement suivie des cinq petites notes, cinq, cela a son importance, car c'était une des astuces de Cure, dont les musiciens remplaçaient l'absence de virtuosité par une inventivité qui laissait deviner un travail désordonné mais obsessionnel). 

Slow down parce que le processus de resurgissement des phrases est plus surprenant que celui de leur enfouissement, involontaire, idiot, simplement issu de la répétition d'une chanson en boucles dans un cerveau encore ductile parce que juvénile. Ce qui remonte à la surface, c'est ce que John essaie de me dire. Suite à la lecture d'un article sur un réseau social de questions-réponses (quora), j'ai commencé à appeler mon inconscient John, et à lui parler pour lui expliquer pourquoi il devait se conformer aux décisions que mon moi conscient essaie de lui imposer. Ça ne marche pas très bien. Malgré mes salamalecs, John me fait toujours préférer la Danette au yaourt de lait de soja.
Mais de quoi on parle, là ? 

Slow down. 

Je crois que je ne vais pas tenir à une chronique par semaine. Je dois :
- Bosser la journée,
- Chercher du boulot le soir,
- Le week-end, passer du temps avec ceux que j'aime (c'est pas je dois, c'est je veux),
- Publier une chronique le lundi,
- Régler mes problèmes de santé, et la fatigue de malade qu'ils génèrent.

Et écrire. ÉCRIRE. Je n'ai pas écrit une ligne de fiction depuis 3 semaines. C'est à devenir dingue. Je vois le peu de cheveux qu'il me reste tomber, mon ventre pousser, les rides, les dents, tout, je vieillis. Et je n'écris pas assez. 

Il faut relâcher un peu sur les contraintes. Pour le moment, le blog semble être la seule sur laquelle je puisse lâcher du lest. Mais ça me fend le cœur. Depuis quelques temps, le blog est au-dessus des 2000 vues par mois. C'est bien sûr dû pour un quart aux robots de spams russes (bonjour aux vrais humains russes qui me lisent, ça me fait tellement plaisir), pour un quart à mon mentor numérique (SR, qui aime les remerciements comme les chats les chiens). Mais il reste vous tous qui m'offrez un peu de votre attention, et que je n'ai pas envie de décevoir, de laisser tomber. Et pourtant, c'est bien ce que je vais faire :-)

Je vais essayer d'inverser les priorités. En premier écrire de la fiction, en second continuer les chroniques. Et du coup, peut-être, avec moins de régularité. On verra ce que j'arrive à tenir, mais je m'étais promis de me coucher à 21h00 pour rattraper, et il est déjà 22h38. Le temps file, et il accélère alors que John, entre deux Danettes au chocolat me fait chanter : Slow down (ta-ta-ta-ta-ta)