Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger
Affichage des articles dont le libellé est Folio SF. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Folio SF. Afficher tous les articles

mardi 14 février 2017

Cher Jupiter, d'Isaac Asimov

Cher Jupiter est un recueil de nouvelles d'Isaac Asimov paru chez Folio Science Fiction, et c'est exactement le genre de livres que j'adore. 

Pourtant, la qualité des nouvelles est un peu inégale. Certaines sont datées, alors que d'autres annoncent nos angoisses actuelles, sur la démographie, la biodiversité, la nature belliqueuse de l'humain. A chaque fois, Isaac Asimov écrit les choses les plus extraordinaires avec un style simple, direct, qui nous fait sentir que ce qui est impensable pour nous est le quotidien des héros de ses histoires. 
Mais ce qu'il y a de formidable dans ce recueil, c'est ce qu'on trouve entre ces nouvelles. Asimov décrit les conditions dans lesquelles chacune a été écrite, à quel journal il l'a envoyée, quelle réflexion a eue l'éditeur qui l'a acceptée. 

On y découvre un auteur pas toujours sympathique, un peu trop sûr de lui, mais d'une sincérité totale, avec un sens de l'humour qui nous fait lui pardonner le fait qu'il ne se prenne pas pour son logarithme. 

Du coup, tous les grands thèmes sont abordés. Les grands thèmes de la science fiction, d'abord. Le voyage dans le temps, les sauts dans l'espace, les inépuisables sources d'énergie, l'ordinateur omniscient, la terre comme sanctuaire, la terre comme relique, les humains comme hôtes de parasites intersidéraux. 

Mais aussi les thèmes de la vie d'un homme, de la vie d'un écrivain. Le premier poste, la première femme, le premier appartement, la peur de ne plus pouvoir à écrire, le couple qui bat de l'aile. Sans en avoir l'air, Asimov nous révèle beaucoup de chose qu'on aimerait, enfin que j'aimerais que nos écrivains préférés nous dévoilent. 

Sous un air de petit recueil inoffensif de textes plutôt mineurs d'Isaac Asimov, Cher Jupiter, disponible chez Folio, est un document passionnant sur l'écrivain, sur l'écriture de science fiction et sur l'Amérique des années 50 à 70. 

Pour l'audio, j'ai choisi Intergalactica des Beastie Boys. 

lundi 5 octobre 2015

Seeker, de Jack McDevitt

Je tourne la dernière page de Seeker, de Jack McDevitt, chez Folio SF et je suis envahi par un sentiment de reconnaissance. Quand on lit un ou deux livres par semaine, parfois, c'est l'indigestion. Il y a cette étagère entière, avec des Poches français, étrangers, récents, contemporains, classiques réédités, mais rien ne va. Tout est soit trop réel, soit trop mal écrit, soit trop glauque, soit trop lent, soit trop... STOP !

Ces périodes de livres abandonnés à la page dix sont frustrantes, mais souvent ce « non, je n'ai pas envie de lire « ça », et ça, non plus, et ça, pas plus » nous fait sortir de notre zone de confort, nous amène à des livres inattendus. Je ne lis presque pas de science fiction. Souvent trop contente de ses trouvailles technologiques, pourtant vues mille fois, la science fiction néglige trop souvent l'épaisseur des personnages, elle mise tout sur le monde, l'idée, l'intelligence un peu bébête. Mais Jack Mc Devitt ne fait rien de tout ça dans Seeker. Quand il rappelle habilement que pour les protagonistes l'anglais est une langue morte, on réalise que ces humains si proches évoluent dans un futur qui n'aura jamais lieu. Seeker, c'est le nom d'un vaisseau, utilisé par des terriens déçus de leur civilisation, pour aller coloniser un autre monde habitable, ou prétendu tel. Neuf mille ans plus tard, Alex Benedict, antiquaire, pilleur de sites archéologiques, et sa pilote Chase Kolpath se retrouvent par hasard sur la trace du Seeker. 

Bon, on a le droit aux sauts quantiques, à la vitesse supraliminique, les téléphones portables s'appellent des linkers,  pour les armes, ce sera des brouilleurs : on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, un peu plus d'originalité dans la vision du futur. Mais c'est plutôt bien écrit, et surtout, le couple Benedict-Kolpath est intéressant, crédible, attachant. Alors on continue. L'intrigue un peu policière qui s'y greffe n'apporte pas grand-chose, et j'ai même craint que le roman ne s'éteigne plutôt qu'il ne se termine. Mais il faut se méfier des astres qui s'endorment, comme la naine brune dont l'attraction fait pivoter le roman. La fin est vertigineuse, les échelles d'espace et de temps, s'étirent de façon astucieuse, et la réflexion philosophique qui se déploie ne tranche rien, elle nous ramène à nous. À cette myopie spatio-temporelle : nous croyons toujours être à un point culminant de l'histoire, mais la civilisation, l'évolution des sociétés humaines sont des battements de cœur, les contractions suivent les relâchements, les âges de fer suivent des âges d'or, comme des marées contre lesquelles on aimerait que la raison puisse lutter. En nous montrant sur quoi butte un futur qui aurait trouvé le moyen d'explorer d'autres mondes habitables, Jack McDevitt, nous rappelle que l'enjeu est toujours humain, il est toujours ici, toujours maintenant : comment être heureux les uns avec les autres ? Si on ne sait pas faire ça sur notre planète, on ne saura pas sur une autre. Bon, modestement, cette semaine, par exemple lisez  Seeker, de Jack McDevitt, paru chez Folio SF, pour découvrir un autre monde qui aide à être heureux dans celui-ci. 

Pour une fois, j'avais réservé l'exclusivite de la diffusion à Des poches sous les yeux, vous pouvez donc retrouver l'audio ici.