Le
premier livre de photographies de la journaliste franco-canadienne
Andrea Davoust, paru chez Atlande, s'intituleBe Happy ! Sois
heureux. Bon, d'abord, tu ne me donnes pas d'ordre. Ensuite, je fuis
les salons du livre parce que j'attends des salons de la
littérature. Les meilleurs ventes se font au rayon beaux-livres, et
il faudrait qu'on soit heureux ? En plus, Andréa est une
amie et comme je veux montrer au monde (c'est à dire à mes 56
followers) que je suis un chroniqueur indépendant, Be Happy devait
faire l'objet d'une descente en flèche.
Des
photos de gens heureux sur la page de droite, et sur la gauche une
citation sur le bonheur. Au cas où on n'aurait pas compris la photo.
Et traduite en 4 langues, pour prévoir les ventes à l'export. Le
massacre allait être facile : Andréa Davoust a un peu raclé les
fonds de tiroirs, les écrivains préférant souvent se gratter les
croûtes quand ils sont malheureux, et vivre le bonheur plutôt que
de l'écrire. Exemple, Page de droite, une photo de bébé, page de gauche
on lit « Ô jeunesse ! Entre ainsi dans la vie, légèrement
et gaiement. » Même Alfred de Vigny ne pouvait pas être
génial tout le temps.
Je
tourne la page, prêt à railler la citation suivante, mais mon œil
est attiré par la photo, à droite. Un beau jeune homme saisit une
banane sur l'étal d'une marchande plus âgée. On dirait qu'il abuse
de son charme viril pour voler le fruit, et la marchande le regarde
en souriant, pas dupe et heureuse, manifestement, que sa joue frôle son épaule.
Je renonce aux citations et décide que ce
livre ne comporte que des pages de droites. Surprise, c'est un bon,
un excellent demi-livre droit. En regardant ces portraits de gens
heureux, on est frappé par le naturel des visages. La composition
des photos n'est jamais artificielle, alambiquée, le choix du cadre
jamais tape-à-l'œil. Andrea Davoust a l'élégance de s'effacer
totalement, comme si elle voulait nous faire croire qu'elle n'est pas
photographe professionnelle. Mais elle échoue. Parce que ce qui
différencie les photos simples d'Andrea Davoust de mes simples
photos de vacances, c'est que les siennes sont belles. Très.
Intensément. Elle saisit le naturel des gens parce qu'il lui suffit
d'1/125ème de seconde pour choisir le cadre, la lumière,
l'exposition. Le bonheur est fugace : nous l'aurions laissé
s'envoler. Qu'elle se focalise sur le mouvement, le sourire,
l'attitude, l'échange, le décor, à chaque fois elle voit ce qu'on
n'aurait pas vu, du bonheur, du bonheur à côté duquel on serait
passé. On tourne les pages dans un sens, dans l'autre, surpris de ne
plus croire que les gens heureux n'ont pas d'histoire. Les gens
heureux qui peuplent le livre d'Andrea Davoust, Be Happy, ont aussi
une géographie, et c'est elle qui m'a permis de redécouvrir les
pages de gauche, au bas desquelles on devine que les séries
ésotériques de chiffres, petits ronds, apostrophes et guillemets
sont des coordonnées géographiques 47°46'26.9" :
-3°33'10.1".
Je renonce aux citations et décide que ce
livre ne comporte que des pages de droites. Surprise, c'est un bon,
un excellent demi-livre droit. En regardant ces portraits de gens
heureux, on est frappé par le naturel des visages. La composition
des photos n'est jamais artificielle, alambiquée, le choix du cadre
jamais tape-à-l'œil. Andrea Davoust a l'élégance de s'effacer
totalement, comme si elle voulait nous faire croire qu'elle n'est pas
photographe professionnelle. Mais elle échoue. Parce que ce qui
différencie les photos simples d'Andrea Davoust de mes simples
photos de vacances, c'est que les siennes sont belles. Très.
Intensément. Elle saisit le naturel des gens parce qu'il lui suffit
d'1/125ème de seconde pour choisir le cadre, la lumière,
l'exposition. Le bonheur est fugace : nous l'aurions laissé
s'envoler. Qu'elle se focalise sur le mouvement, le sourire,
l'attitude, l'échange, le décor, à chaque fois elle voit ce qu'on
n'aurait pas vu, du bonheur, du bonheur à côté duquel on serait
passé. On tourne les pages dans un sens, dans l'autre, surpris de ne
plus croire que les gens heureux n'ont pas d'histoire. Les gens
heureux qui peuplent le livre d'Andrea Davoust, Be Happy, ont aussi
une géographie, et c'est elle qui m'a permis de redécouvrir les
pages de gauche, au bas desquelles on devine que les séries
ésotériques de chiffres, petits ronds, apostrophes et guillemets
sont des coordonnées géographiques 47°46'26.9" :
-3°33'10.1".
On
aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que le format choisi soit le
même que le standard google maps, mais on réussit à se promener
sur les lieux où les photos ont été prises. Et le sourire est
suivi d'un autre sourire. C'est un sourire à double détente. Le jeu
de piste est subtil, on cherche sur chaque photo, des indices du
lieu qu'on découvrira à l'aide des coordonnées. Burkina Faso,
Colombie, et pourquoi pas, Paris. Et parfois on se trompe dans un
chiffre en plein milieu d'un océan. On corrige la coquille et la
marchande de banane est au Nicaragua. On referme Be Happy !, d'Andrea Davoust, paru chez Atlande avec l'assurance qu'on pourra y voyager
chaque fois qu'on voudra être heureux, et convaincus qu'il suffit
d'apprendre à regarder le monde pour y voir des raisons d'être
heureux, ici, ailleurs, partout. Tout le temps. Be Happy !, d'Andrea Davoust, paru chez Atlande, 12 €.
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