Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

jeudi 8 janvier 2015

J = J+1, les humains aussi pourrissent par la tête.


Aujourd'hui ce devait être le jour J. Je l'ai espéré pendant des années, au point de ne plus y croire, puis j'y ai cru parce qu'on l'avait programmé, signature à l'appui. Hier, c'était J-1. Et aujourd'hui, on se réveille tous à J+1, avec la gueule de bois du millénaire. Aujourd'hui, ce devait être le jour J, la sortie de mon premier roman, et c'est l'absurde lendemain de la tuerie à Charlie Hebdo. 

Ne parler que de la sortie du Poisson, ça aurait été bizarre, déplacé. Mais ne pas
en parler du tout, ce serait une victoire de plus, une toute petite nano-victoire de plus pour les terroristes.
À la radio, déjà, on ne parle que d'eux. Ou des policiers qui les traquent. Ou des musulmans qui vont subir la double peine de la stigmatisation et de l'amalgame, et faut-il qu'ils soient en tête de cortège, dimanche, pour montrer qu'ils se désolidarisent, et faut-il qu'ils portent des petits panneaux #NotInMyName ? On ne parle que des partis politiques qui organisent la grande conciliation républicaine : avec ou sans le FN ?

On parle de religion et on parle de politique, c'est ça la vraie défaite. Depuis deux jours, j'entends en boucle les représentants de tous les cultes, de tous les partis, et je pense aux victimes, une femme et des hommes qui sont morts ces anars, à ces athées, ces bouffeurs de curé, qu'on devrait célébrer en levant le majeur bien haut ou en montrant son cul. Et aux flics qui défendaient des anars, comme ça se fait en démocratie.
Photo : Drawoua 
J'entends des journalistes dire « de là où ils nous regardent, ils voudraient que... ». D'où nous regardent-ils, bande de cons ? Ils sont morts ! Leurs dépouilles sont probablement en train de subir des examens balistiques sur une table en inox de l'institut médico-légal de Paris. « Ils voudraient que... » ils voudraient que quoi ? Qu'on ne parle pas à leur place ? Qu'on ne parle pas en leur nom ? Ils ont déjà dit ce qu'ils avaient envie de dire : la preuve, ils en sont morts. 


CITIZENSIDE / MANON THAUST / AFP
J'étais au rassemblement sur la place de la mairie, hier, à Rennes. J'ai eu la chance d'arriver trop tard pour les prises de parole, et j'ai aimé ce silence, ce calme un peu désemparé, ces quelques jeunes qui tendaient des stylos vers le ciel, ou des pancartes « Je suis Charlie », partagés entre une peine sincère, un choc qui ressemble à la trouille et l'exaltation inavouée de faire partie de quelque chose qui les dépasse, d'une cause qui vaille la peine. La liberté d'expression vaut la peine. Mais à Rennes, personne ne criait de slogan (pas même « nous sommes Charlie »), personne ne se mettait en avant. Putain, j'étais ému de voir des gens la fermer pour défendre la liberté d'expression. C'était beau. Et puis il a fallu rentrer, les gens se sont remis à parler, et les machines à lieux communs ont repris du service, dans la rue comme sur les ondes. Mais quoi ? Fallait-il s'attendre à ce que, parce que des terroristes ont massacré la rédaction d'un journal satirique, la France se réveille pleine de gens de bonne foi, de bonne volonté, prêts à renoncer à se partager le gâteau que représentent toutes ces consciences qui s'éveillent ? 

Et c'est presque tant mieux, que nous ne changions pas tout de suite. Tant mieux que les terroristes ne changent pas nos habitudes. Il faut un peu de temps pour changer en bien, le temps de la sédimentation, de la réflexion, loin des copains et des attitudes. Je me souviens des londoniens, le lendemain des attentats dans le métro : « Nous ne laisserons pas un petit groupe de terroristes changer la manière dont nous vivons. »
Charlie Spirit (pardon maman)
Alors merde, bite, couille, aujourd'hui, c'est officiellement le jour J : en attendant d'aller acheter Charlie mercredi prochain, il vous est possible dès aujourd'hui d'aller chez votre libraire acheter Le poisson pourrit par la tête, pendant que son auteur se marre en pensant que le premier jour de vente de son premier livre est aussi le dernier jour de son dernier demi-mois d'allocation chômage !




Le poisson pourrit par la tête, de Michel Goussu, au Castor Astral, 17€.


7 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. Ne ris pas trop, ces fesses désormais célèbres me valent dès à présent des demandes de partout dans le monde ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  4. Ben maintenant... C'est un peu indécent cet étalage d'amour, beaucoup plus qu'une photo de derrière.

    RépondreSupprimer
  5. Dis donc, c'est le bordel chez toi...
    J'ai reçu ton livre aujourd'hui !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Non, d'habitude mon appartement est parfaitement rangé, mes amis me trouvent maniaques. J'ai fait une mise en scène pour faire anarchiste, pour faire Charlie Hebdo. Parfois, il m'arrive de ranger mes livres par ordre de taille, ou de ranger les mots des livres par ordre alphabétique. Et la majeure partie du temps, je porte un caleçon sur mon derrière. Une seule assertion est vraie, sauras-tu la retrouver ? Cool pour le SP, c'est grâce au super stagiaire du Castor, un gars en or.

      Supprimer
  6. Ne vous excusez pas monsieur, soyez fier de votre livre, soyez fier d'avancer. Longue vie à votre livre, longue vie aux mots et aux dessins. Et l'on espère qu'un jour on fera en sorte de partager les miettes. Mg.

    RépondreSupprimer

Qu'avez-vous pensé de ce que j'ai pensé de ? Les commentaires sont bienvenus.