Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 7 avril 2014

Galveston de Nic Pizzolatto, chez 10-18

Je suis reconnaissant à Nic Pizzolatto car son livre Galveston, paru chez 10-18 m'a permis de répondre à une question qui devrait angoisser tous les critiques littéraires, celle de la première impression. Quand on lit plus d'un livre par semaine, on finit par n'avoir besoin que de trois ou quatre pages, pour savoir si un ouvrage nous plaira ou non.

Mais la bonne foi oblige à se demander si la raison pour laquelle cette première impression est presque toujours confirmée n'est pas simplement que nous sommes incapables de nous dédire. Juste incapables d'avouer « ah, tiens, en fait, je m'étais trompé, c'est pas si nul », ou, plus dur encore, « Oh, c'est dommage, j'aimais bien, mais là, en fait, si c'est ça, moi... j'arrête. » 

C'est la théorie de l'engagement. 

Pour Galveston, l'a priori négatif était fort à cause d'un bandeau bien marketing qui indiquait que 10-18 s'engageait à rembourser le lecteur insatisfait. Mais qui prend la peine de renvoyer un bouquin ? Qui conserve les tickets de caisse de sa librairie ? Enfin j'ouvre le livre, on va voir ce qu'on va voir, et je ne suis pas déçu. Ou plus exactement, je suis déçu et je suis bien content de l'être. 

Roy Cady, quadra amoché, petite main de la truanderie texane sur le point de crever d'un cancer du poumon, se jette dans un piège qu'on voit venir 25 pages à l'avance. Baston, fusillade, cascades et road-movie avec une jeune pute au grand cœur, le tout dans la langue dont je suppose que les gangsters l'utilisent vraiment puisque les auteurs la reproduisent inlassablement jusqu'à saturation, à tel point qu'elle finit par déteindre et que je m'entends dire :  

« 10-18, prépare la thune, qui paie ses dette s'enrichit »

Je poursuis la lecture, à cause de l'entêtement idiot qui me pousse à finir les livres que j'ai commencés, fidèle à la théorie de l'engagement qui laisserait donc entrevoir que si ma première impression est la bonne, c'est tout simplement que, comme tous les imbéciles, je suis incapable de changer d'avis. Seulement voilà, Nic Pizzolatto est un écrivain intelligent qui m'empêche de rester un imbécile. J'ouvre les yeux, je les écarquille même, et je me demande - encore à voix haute, à force d'enregistrer des chroniques je me mets à parler tout seul- 

« est-ce qu'on peut vraiment se mettre à aimer un bouquin à partir de la page 86 ? ». 

Pas de révolution pourtant, Galveston reste un livre de genre, un roman noir américain, avec flingues, rednecks du dirty south, rémission déchirante, Texas, Louisiane, et on aurait aimé, enfin j'aurais aimé, un petit peu plus de surprises quant au destin de certains personnages sacrificiels. 

 Mais c'est comme si vous dégustiez le suprême au chocolat de ma mère. Bien-sûr, vous avez déjà mangé toutes sortes de mousses au chocolat, et vous vous êtes fait un avis sur la mousse au chocolat, «  Nan, moi je l'aime quand elle est bien ferme », ou encore  « si c'est pas assez noir, si y a pas d'amertume, non, ça ne me parle pas. Tu vois, j'ai un rapport assez intime avec la mousse au chocolat en fait ». Mais quand vous goûtez le suprême au chocolat de ma mère, vous la fermez et vous tendez votre assiette pour qu'on vous la remplisse à nouveau.

Je n'ajouterai donc rien de plus sur Galveston, paru chez 10-18, mais je tends mon assiette à Nic Pizzolatto pour qu'il fasse à nouveau mentir mes premières impressions, sur le roman noir, sur le roman, sur la littérature.



Galveston, de Nic Pizzolatto, chez 10-18, au prix de 8,10 €
La chronique audio est ici, avec en fond sonore well you needn't de Thelonius Monk. 


TL ; DR : Un roman noir dont le début prévisible ne laisse pas soupçonner l'attachement qu'on ressent par la suite. Idéal pour se changer les idées. 

1 commentaire:

  1. Belle chronique, belle musique, beau montage
    Ne manque que le goût du suprême pour accompagner les mots
    Il faudrait enregistrer le livre tout entier, parce que pour lécher l'assiette, enfin, il nous faut les 2 mains...
    Encore !

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