Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

mardi 11 février 2014

Touriste, de Julien Blanc-Gras, au livre de Poche

Touriste, de Julien Blanc-Gras, paru au Livre de Poche, c'est du pain béni pour chroniqueur littéraire. C'est concis, amusant, c'est détaché. On découvre le narrateur lorsque, tout jeune il décide de parcourir le monde, de collectionner les pays comme d'autres collectionnent les femmes, avec la même gourmandise, la même nonchalance, la même obsession, et la même incapacité à établir une vraie relation. Tout dans ce livre procède de la séduction. L'écriture va au plus vite, elle ne s'attarde jamais : surtout éviter les lourdeurs, et tant pis pour les sentiments. Julien Blanc-Gras a le sens de la formule. Quand il décrit la ferveur de ces mendiants estropiés on ne peut que sourire : « La foi, c'est ce qui reste quand on n'a plus de jambes. ». Son sens de l'exagération venge nos voyages pénibles, nos déceptions exotiques, surtout quand il parle du « calme mystique à peine atténué par les meutes de touristes et les rabatteurs dont on ne peut se débarrasser qu'en s'immolant par le feu.»

Mais les grands séducteurs, arrive un moment où l'on voudrait qu'ils se livrent un peu. On aimerait, une fois qu'ils nous ont tant plu, qu'ils fassent preuve d'un peu de sincérité, parce qu'à la longue, on finit par remarquer les ficelles. La façon dont Julien Blanc-Gras joue sur un contraste entre l'adverbe, grave, et un adjectif léger pour créer une cassure dans la phrase. Ou la façon dont il surutilise l'hyperbole pour nous tirer un sourire. Les phrases à la Paulo Coehlo bobo café Flore finissent par lasser, par exemple : « Prendre une photo c'est prévoir de se souvenir du passé dans un futur prochain. » . Quand il traite les hippopotames de gros ongulés, et on a envie de dire « arrête, arrête cinq minutes ». Les pays défilent, les formules désabusées se succèdent, on voit Julien Blanc-Gras chez les anglais, Julien Blanc-Gras chez les colombiens, les indiens, les malgaches. Mais on voit si peu les anglais, et pas les colombiens, ni les indiens, ni les malgaches. On les a croisés, ces voyageurs à qui on ressemble, qui font preuve de courage, oui, mais pas de patience, qui vont partout, tout seul, mais assez vite pour n'y voir toujours que la même chose.
Car les premières personnes à qui on parle, en voyage, ce sont toujours un peu les mêmes. Ceux qui ont quelque chose à nous vendre, ne serait-ce que leur temps, ceux qui sont attirés par l'occident, ceux qui cherchent à tout prix à nous donner la meilleure image de leur pays, parce que finalement notre opulence provoque l'envie autant que la honte. Et les autres touristes. Ceux qui voyagent comme nous et flattent notre narcissisme baroudeur. Enfin, ceux qu'on méprise un peu parce qu'ils ne sont pas roots, n'ont pas le détachement, l'ironie, la distanciation. Julien Blanc-Gras appellent ceux-là Allemandenshort, en un seul mot et quelle que soit leur nationalité. Bien-sûr il se dédouane en écrivant : « Mon sac à dos et ma solitude ne me confèrent aucune supériorité morale sur le troupeau. Simplement, je préfère le contourner. » 
On est toujours un peu le troupeau de quelqu'un, non ? Et Julien Blanc-Gras semble contourner le lecteur.
On aurait voulu, enfin, j'aurais voulu, qu'il s'arrête un peu plus d'un instant. Qu'il n'ait pas peur d'alourdir sa phrase, parce que tous les lecteurs ne sont pas des journalistes pressés. Mais il est déjà dans un autre pays. Lorsqu'on s'attache un peu, par exemple à sa description expéditive, tordante et si juste de Crime et châtiment, il nous rappelle à l'ordre : « On peut dire que nous avons été de bons amis pendant quelques jours. » Et on laisse ce Touriste, de Julien Blanc-Gras, paru au Livre de Poche, nous abandonner, partir séduire d'autres lecteurs moins sentimentaux. 


Le livre coûte 6,60 € en Livre de Poche.L'audio est ici. Merci à Sylvain pour l'hébergement. 
Ceux qui aiment la musique 90's auront reconnu Penjabi MC !

TL ; DR : Le livre d'un journaliste baroudeur. C'est léché, joyeux, léger, amusant, complètement superficiel et lassant. Mais ça se lit vite et si on veut juste se changer les idées, pourquoi pas. 

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