Ce que j'ai pensé de

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Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 16 février 2015

Du monde entier, poésie, Blaise Cendrars, chez Gallimard

Je ne sais pas si c'est moi ou si c'est lui, mais le courant ne passe pas très bien entre Blaise Cendrars et moi. Et pourtant, je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé Du monde entier, qui contient les poèmes qu'il a écrits entre 1912 et 1924, et qui est disponible en poche chez Gallimard. 

Déjà parce qu'on y voit naître la poésie moderne. Les Pâques à New-York tentent encore de faire coïncider une poésie en vers avec son appétit de modernité, mais dès la prose du transsibérien, c'est fini, il ne fait plus semblant. La langue suit le rythme du train, de ses chaos. Et on se laisse transporter. Mais du paysage russe, on ne verra rien, finalement. Une suite de noms de gares. Mais ce qu'il regarde, celle qu'il regarde, le poète l'a emmenée avec lui. La petite Jeanne, dans son wagon est une prostituée. Est-ce par tendresse ou par moquerie, par dérision, qu'il la nomme Jehanne la pucelle de France ?. Il y a un peu de jugement moral, dans mon incapacité à entrer dans leur compartiment, mais surtout un malaise, face à l'absence de sensibilité dans l'expression. Cendrars est un poète dur, un poète décidé, une sorte de poète de combat. 

Et puis la modernité se périme, la modernité volontaire finit par faire daté. On peine aujourd'hui à comprendre les débats que la prose du transsibérien a pu provoquer. Les histoires de simultanéisme de Sonia Delaunay, qui illustra l'édition originale laissent penser que le monde de l'art était déjà avide de polémiques creuses, de débats stériles. Tout ce petit monde aime faire du bruit. 

Voilà, Blaise Cendrars est un poète bruyant. Même si c'est pour moi un oxymore, c'est ce qu'il est je crois, à la fois poète, indéniablement, et à la fois bruyant, gueulard, presque ; je ne peux pas m'empêcher de l'imaginer brutal. Pas d'une brutalité intéressée, idéologique, mais comme la résultante d'une énergie trop sauvage. 

Je n'aime pas cette énergie de la dévoration, celle qui nous pousse à parcourir la terre en cherchant la castagne, l'ivresse, les femmes. Quand on n'est pas sensible il faut des sensations fortes . Il me semble que cette énergie toujours à l'œuvre aujourd'hui est celle du pétrole, qui ne sera bientôt plus qu'une fine couche de gaz dans l'atmosphère. Et alors, les poètes de la contemplation, ceux qui ne voulaient rien casser, rien prouver, les poètes de la caresse, de la tenue n'oseront pas dire qu'il aurait mieux valu apprendre à se contenter de peu, ou même seulement de moins. Parce que ceux qui crient fort n'attendent que cela pour leur casser la gueule. 

Mais c'est peut-être là qu'est le mérite de Cendrars, dans le fait de passer cette énergie dans la poésie, d'en faire un levier, une marche vers autre chose. Et ce que cela nous rappelle, à New-York, au Brésil, dans le Transsibérien, on ne voit les choses qu'en fonction de ce qu'on est. Du monde entier, Blaise Cendrars écrit toujours un peu la même poésie, disponible en poche chez Gallimard.

Pas de version audio pour le moment : je n'ai pas la possibilité d'enregistrer cette semaine. Demain, peut-être il y aura, comme disait Mme Marie avec l'accent de Concarneau. 

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