Ce que j'ai pensé de

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Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 8 septembre 2014

Jim Morrison, par Jean-Yves Reuzeau

La biographie de Jim Morrison que Jean-Yves Reuzeau propose chez Folio réussit un tour de force :  nous faire  sentir que ce qui paraît aujourd'hui un peu ridicule, ce type torse nu dans un pantalon de cuir avec des filles qui hurlent à ses pieds, en 1967 c'était de la subversion pure.  « Celui qui se réconcilie avec l'autorité se met à en faire partie »

Jean-Yves Reuzeau propose une biographie à l'américaine, factuelle, aussi exhaustive que possible. Il sacrifie le lyrisme à la clarté, et pour que le lecteur puisse se faire sa propre idée, il va chercher toute la matière brute disponible. A commencer par ce camion renversé, ces cadavres d'indiens, et James Douglas Morrison, qui n'a que 4 ou 5 ans. Rappelé, remanié, invoqué, ce souvenir sera à l'origine de sa fascination pour le chamanisme, de la construction progressive de son personnage de Roi Lézard. Parallèlement, le rythme des déménagements de son père militaire, le déracinement, l'impossibilité de s'attacher, développent chez Jim Morrison l'habitude de regarder les autres avec la distance d'un entomologiste. Pour voir les réactions de ses camarades, il danse sur les rambardes, face au vide, comme il le fera sur le bord de la scène. Mais l'attention est aussi une drogue et Reuzeau fait ressentir le besoin d'augmenter les doses. Autant que l'écoute, Jim Morrison provoque le regard, puis les réactions, puis l'hystérie, jusqu'à devenir ce sex-symbol qu'il ne peut ni rejeter, ni supporter. Les histoires d'amour sont aussi marquées par cette impossibilité à trouver la juste distance. 

Malgré la bienveillance de Reuzeau, Jim Morrison apparaît comme un enfant égaré, que ni son intelligence, ni sa sensibilité, ni la culture littéraire subversive qu'il entretient avec frénésie n'aident à entrer vraiment en contact avec les autres. L'alcool fait passer le courant, mais quand les fils se touchent c'est toujours à l'intérieur, là où Morrison atteint la transe chamanique, même s'il y emporte ceux qui se trouvent de l'autre côté de la scène. Break on through to the other side.  Et lorsqu'il les fait monter près de lui, lorsqu'ils se touchent enfin, c'est le concert de Miami, excessif, sur lequel les versions divergent, et peu importe, car la descente est amorcée, et celui qui a l'habitude des substances sait  qu'aucun trip ne peut durer toujours sans que le cerveau ne finisse par cramer. Sans doute, comme celui de Jim Morrison, d'abord petit à petit, à force d'alcool, de coke, de sexe et de sentiments excessifs, et puis  d'un coup, enfin, une nuit de 1971, dans les toilettes d'une boîte de nuit parisienne. 

En moins de cinq ans, les Doors ont sorti six albums studio et un album live. En moins de 400 pages Jean-Yves Reuzeau décrit la trajectoire d'une météorite. Parce qu'il a travaillé dans le monde de la musique, notamment pour le label des Doors, parce qu'il est à la fois écrivain et éditeur, Jean-Yves Reuzeau parvient à exprimer ce qui fait la différence entre les artistes et les bons artisans : cette incapacité à compter, à mesurer les conséquences, à se sauver du génie qui les consume ; cette compulsion à se donner à ceux qui les admirent, totalement, sans jamais garder en réserve l'énergie de durer assez pour ceux qui les aiment. 

Si bien qu'après avoir lu cette biographie de Jim Morrison, par Jean-Yves Reuzeau, disponible chez Folio, on se demande si on doit les envier ou les plaindre. 

Je n'aurai pas le temps cette année de faire des fichiers audio à chaque fois, mais là, il y en a un ici grâce à sa majesté Le Rouille. 

Jim Morrison, par Jean-Yvez Reuzeau, Folio Biographies. 9,40 €

TL ; DR : Une putain de biographie de Jim Morrison, avec plein d'infos et peu de blabla, qui permet de comprendre le Roi Lézard, mais aussi la fin des années soixante, le sexe, les drogues, tout ça. 





2 commentaires:

  1. Le gardien sera peut-être trop occuper par l'aménagement de son nouveau temple pour remarquer, mais sinon, tu vas te prendre une rouste...

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  2. Oh pu***n ! J'ai même pas fait exprès de l'omettre ! J'ai honte, putain j'ai honte. A insérer : on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que la biographie ne soit pas si centrée sur Jim Morrison, mais raconte l'histoire de tout le groupe. Qui racontera la biographie de Bruce Botnick, l'ingénieur du son qui fit tant pour le succès des albums studio ?

    C'est mieux ? Promis, je ferai gaffe sur la suite. Merci aux gradiens du temple de m'aider dans ce ministère dont je suis si indigne.

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