Ce que j'ai pensé de

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Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 19 mai 2014

Les fidélités successives, de Nicolas d'Estienne D'orves, disponible au Livre de Poche. [ MODIFIEE]

Les fidélités successives, de Nicolas d'Estienne d'Orves sont disponibles au Livre de Poche. Elles sont à la littérature ce que la diététique est à la gastronomie. Il ne suffit pas d'avoir une liste d'ingrédients pour être un grand cuisinier.

Nicolas d'Estiennes d'Orves a pourtant choisi avec soin tous les critères du best-seller populaire.

D'abord, il mêle des personnages historiques aux personnages de fiction. Ceux-là apporteront sans doute à ceux-ci la crédibilité qu'une psychologie insuffisante n'a pas permis de leur offrir. Ainsi Guillaume Berkeley rencontrera dans le Paris de la collaboration et de la résistance, Jean Cocteau, Brasillach, Drieu La Rochelle...

Ensuite, il utilise des procédés littéraires simples. Il commence par une mise en abyme poussive, puis il change de narrateur en affectant la forme d'un journal ou d'une confession.

Ajouter des dialogues lui permet d'étirer le roman sur des pages, dans cette langue que personne n'utilise dans la vie courante mais qui n'est pas pour autant une sublimation littéraire ou symbolique. Comme un élève appliqué, il essaie d'utiliser le verbe « dire » le moins possible et ses efforts virent souvent au grotesque. Les anglais appellent ces verbes des Said-bookism, des substituts de dire qu'on ne voit que dans les livres. Le malheur..., a grogné Victor en contemplant cette faune gourmande qui se gobergeait.

Oui, Nicolas d'Estiennes d'Orves ajoute ensuite des participes présent, des adverbes. Il aime aussi les termes qu'on n'utilise pas dans la vie courante et dont il semble croire qu'ils font littérature. Comme les enfants attachent au cadre de leur vélo une carte en carton qui frotte contre les rayons de leur roue arrière parce que « ça fait moto ».

Enfin,  l'auteur enchaîne les coups de théâtre, en s'appuyant sur les revirements de Guillaume Berkeley,  de la collaboration molle à la résistance modérée, du marché noir à la prison, ce qui lui permet d'insérer les figures imposées de la série télé que sont les épisodes de torture et les scènes de procès. Mais un retournement de situation est réussi quand il est à la fois inattendu et a posteriori inévitable. Ici, ils sont téléphonés et dépourvus de crédibilité. Pourquoi ? Parce qu'ils ne reposent que sur des sentiments individuels et que la psychologie des personnages ne tient pas debout. Estiennes d'Orves construit son livre à l'envers : il a effectué un énorme travail de documentation, mais c'est elle qui induit l'intrigue, qui à son tour force les protagonistes à se plier à des péripéties dépourvues de saveur. On aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que les personnages aient du goût, que l'histoire soit croustillante, que la langue soit cuisinée à la sauce piquante.


Avec les mêmes ingrédients, Marek Halter a su mitonner sa formidable Inconnue de Birobidjian. Nicolas d'Estienne d'Orves, lui, commence par la fin de la recette, et Les fidélités successives, parues au Livre de Poche, ressemblent à un pudding de 760 pages, il y en a sûrement qui aiment ça, mais au final c'est tout à fait indigeste. 

Les fidélités successives, de Nicolas d'Estiennes d'Orves, 8,60 € au Livre de Poche.

Je me suis servi pour la chronique audio, disponible ici de Nostalgie, un Fox Trot interprété par Gus Viseur et son orchestre. 

[EDIT] Cette chronique a été modifiée suite à des commentaires justifiés : trop de remarques sur la façon (forme du roman, procédés, style) et zéro info sur l'histoire. J'ai à peine modifié pour cette chronique, mais je ferai plus attention à cette chronique pour les suivantes. Pour les curieux, l'ancienne version est ici,

TL ; DR : Nicolas d'Estiennes d'Orves décrit le parcours d'un jeune homme déboussolé entre collaboration et résistance. Tout est expliqué par les sentiments individuels, qui ne cessent de changer, pas ma tasse de thé. 

2 commentaires:

  1. Finalement on ne sait pas trop bien de quoi il parle, ce livre...
    SR

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  2. Oui, vous êtes plusieurs à m'avoir fait remarquer que je critique trop les livres sur la forme, la façon de faire. Le fond, le propos, je ne m'en occupe pas assez, et c'est mal. Pour celui-ci, j'ai corrigé le tir dans le résumé (too long, Didn't read), pour les suivants, je vais y faire plus gaffe. Merci encore de ce retour.

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