Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 1 juin 2015

Journal d'un écrivain en pyjama

Je n'ai jamais été attiré par Dany Laferrière, l'auteur du Journal d'un écrivain en pyjama, disponible aux éditions du Livre de poche, et je me retrouve comme un idiot à apprendre comment il écrit sans avoir jamais rien lu de ce qu'il a écrit. Mais ce n'est pas si bête, car le journal d'un écrivain donne envie d'aller goûter la littérature de Dany Laferrière comme on rêve de goûter ce fruit exotique bien mûr et qu'on laissera pourtant sur l'étal parce que ce mois-ci, pour la première fois depuis 15 ans, on n'a plus aucun revenu. 

Dany Laferrière raconte, à travers 182 petites chroniques, sa vie quotidienne d'écrivain. Il parle des années de vache enragée, et de la rage d'écrire des romans vachards et  enjoués.

À qui s'adresse-t-il ? À son neveu, qui se met à écrire et voudrait des conseil ? À sa mère ? Il le sait :  « On ne peut être bon écrivain tout en protégeant sa mère. »  À ses tantes, qui pestent de comment il les a dépeintes, se fâchent puis lui pardonnent. À tous, quand il raconte aussi son pays, Haïti et sa province, le Quebec ?

Chaque chronique se termine par une petite note en italique. Il nous prévient, c'est comme le petit message qu'on trouve en brisant les fortune coockies chinois : « Une fois, cela tombe juste ; la suivante, non. Comme la vie. On n'a qu'à attendre le prochain train. » 

Tout le livre est ainsi : imparfait et sincère. Tellement plus attachant que tant d'autres livres parfaits. 
Celui qui a écrit : Comment faire l'amour avec un grand nègre a mûri, et il s'adresse peut-être aussi à lui-même, il se sermonne : « je sais à quel point les jeunes écrivains veulent provoquer. À trop provoquer, on banalise la chose. » Dany Laferrière s'accorde le droit de se contredire, le droit d'être flou, inégal, et en apportant ce discours vrai, il nous montre comment on devient écrivain. Quelques recettes, bien-sûr, mais le processus ne peut pas être mécanique, lisse, linéaire. L'écriture est toujours une turbulence. Alors, on prend plaisir, en tant que lecteur à observer l'énergie sans jamais tout à fait comprendre la thermodynamique de l'écrivain. Pour Laferrière « le romancier est un magicien, qui fait apparaître et disparaître les choses, et non un pédagogue qui tente de les expliquer. » Il ne s'agit pas de dévoiler les tours de magie, mais de raconter la vie du magicien, de dévoiler son quotidien. 

Ce journal n’intéressera pas que ceux qui veulent devenir écrivains. Laferrière aime les lecteurs, il sait ce qu'il leur doit. « Les livres ne se font pas par hasard, mais parce qu'il y a des lecteurs qui, du fond de leur chambre, les réclament en silence. » Laferrière considère la lecture comme une discipline à part entière, un art, aussi nécessaire que l'écriture : « Lire et écrire sont deux choses différentes, et de bons lecteurs deviennent de mauvais écrivains parce qu'ils n'arrivent pas à accepter ce fait. » 

Bien-sûr, on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que Dany Laferrière ne tente pas de camoufler ce recueil en roman. Les incartades fictionnelles me rappellent pourquoi je ne l'avais pas lu avant. Son goût pour l'absurde un peu forcé, pour le réalisme magique latino-américain, toute cette fantaisie trop voulue me semble artificielle. Les chroniques qu'il y consacre sont rares, et heureusement. Mais elles permettent de sortir un instant du livre, sans quoi on resterait au lit toute la journée, à se régaler de ce Journal d'un écrivain en pyjama, de  Dany Laferrière, disponible au Livre de Poche. 


La bande son de la version audio que vous pouvez entendre ici est issue de l'album Breaking the ethers, de Tuatara. 

2 commentaires:

  1. J'avais bien aimé ce livre, avec pas mal de choses intéressantes et d'autres parfois un peu agaçantes. Un air prétentieux sans le faire, etc. Mais j'avais souligné pas mal de passages.

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  2. Oui, j'aurais dû insister sur le côté parfois prétentieux, parfois désinvolte. Mais j'ai trouvé tellement d'info intéressantes que j'ai choisi de laisser plus de place au positif. On se retrouve plus que sur Annie Ernaux ou Amélie Nothomb ;-)

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