MIRACLE ! L'équipe de des poches sous les yeux a accepté ma chronique. Non seulement leurs chroniques sont super éclectiques, mais les gens qui s'en occupent sont adorables. Je vous ferai signe quand Cette chronique sera sur leur site.
Tanguy
Viel est un menteur hors-pair. Même le titre de son roman,
Paris-Brest, paru aux éditions de Minuit est une supercherie. De
Paris il ne sera presque jamais question, sinon comme d'un ailleurs
où le narrateur se retranche lorsqu'il n'est pas dans le livre.
L'auteur mêle sans aucun scrupule des éléments de son enfance
brestoise à une intrigue où l'intime et le policier se relaient
pour nous tenir en haleine. On pourrait reprocher aux personnages
d'être trop tranchés, mais la façon de ne pas les qualifier, de se
contenter de montrer comment ils se comportent suffit à leur donner
de la crédibilité, de l'épaisseur.
On est
presque surpris que leurs émotions nous contaminent, comme par
contagion. On ressent avec aversion les rapports de force qui
permettent à l'un d'entraîner l'autre sur les chemins qu'il vaut
mieux éviter, du vol de bonbons à... Non, on ne peut dévoiler
l'intrigue dont la surprise et les mises en abyme sont des ressorts
efficaces.
Tanguy
Viel évite par sa maîtrise de la construction les deux écueils
fréquents de la littérature française : l'autobiographie
nombriliste, qui ne profite qu'à celui qui l'écrit, et la
construction élégante, mais qui ne nous touche pas parce qu'on y
sent pas le réel dans ce qu'il a de poisseux et d'inexorable.
Il y a
dans ce roman assez d'action pour qu'on ne s'ennuie jamais et assez
de névrose familiale pour qu'on ait envie d'y croire. Même si on
sait que Tanguy Viel est un menteur Hors Pair. Parce qu'il ne parle
finalement pas non plus beaucoup de Brest, même s'il ouvre le livre
par ces phrases :
« Il
paraît, après la guerre, tandis que Brest était en ruines, qu'un
architecte audacieux proposa, tant qu'à reconstruire, que tous les
habitants puissent voir la mer : on aurait construit la ville en
hémicycle, augmenté la hauteur des immeubles, avancé la ville au
rebord de ses plages. En quelque sorte, on aurait tout réinventé.
On aurait tout réinventé, oui, s'il n'y avait pas eu quelques
riches grincheux voulant récupérer leur bien, ou non pas leur bien
puisque la ville était en cendres, mais l'emplacement de leurs
biens. »
Par la
suite, Brest est comme absente du livre, ou plutôt elle est une
toile de fond, comme un décor de théâtre provincial où se
jouerait un drame pourtant universel. Cette ampleur est parfois
freinée par la volonté de Viel de camoufler le mensonge par une
vraisemblance forcée. On aurait voulu, enfin, j'aurais voulu, qu'il
évite à son narrateur les embardées vers une oralité factice,
avec l'usage du disons, du donc en début de phrase, ou pire des
adresses au lecteur. Et qu'il nous donne à la place une description
du cercle des marins qui fasse sentir le quasi stalinisme de
l'architecture du centre de Brest. La sienne pourrait avoir été
faite par n'importe qui. Ou presque, car si Tanguy Viel nous ment, il
le fait avec tellement d'élégance, qu'on prend un plaisir immense à
faire semblant de le croire.
Vous pouvez écouter cette chronique ici sur Radio Béton dans la rubrique Des poches sous les yeux.
BONUS :
La bande son de cette chronique a été produite par Tomukx. Vous pouvez écouter quelques musiques de ce producteur francilien qui a mangé du Cure et du batcave au petit déjeuner et sans doute pas mal de Wax Taylor au dîner. C'est à l'adresse suivante : http://tomuks.bandcamp. com
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RépondreSupprimerMerci beaucoup, je n'avais pas vu le lien !
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