C'est plus cadré que ce que je fais pour Canal B, aussi je leur ai fait la proposition suivante, pour le livre Indignation, de Philip Roth. Souhaitez moi bonne chance !
[EDIT] : Ce poche là avait déjà été chroniqué chez Des poches sous les yeux. Mais la chronique leur a plu, donc je fais d'autres tentatives !
Il
faudrait écrire son autobiographie avant de savoir qu'elle vaut le
coup d'être écrite. Après, c'est trop tard, on est vieux, les
souvenirs sont loin et il vaut mieux écrire des romans. Pourtant,
quand Philip Roth raconte, dans Indignation paru chez Folio, l'entrée
à l'université du fils d'un boucher juif du New Jersey, chacune de
ses phrases distille avec une cruelle vraisemblance la réalité
plombée de l'Amérique des années cinquante. La guerre de Corée
fait planer la menace d'une mobilisation, et le père de Marcus
Messner en devient fou de peur. Le jeune étudiant décide de fuir la
paranoïa familiale, change d'université, et les ressorts de la
tragédie se mettent en place.
Philip
Roth parvient à lier le destin d'une nation et la souffrance
ordinaire de la sortie de l'adolescence, ce moment charnière où la
découverte du désir sexuel peut broyer les plus fragiles, les
faire se broyer entre eux, parce que comme sa mère le rappelle au
narrateur : les gens faibles ne sont pas inoffensifs.
Dès les
premières pages les phrases longues et entrecoupées happent le
lecteur et le précipitent dans une plongée en apnée qui ne se
termine qu'à la fin du roman...
Extrait.
« Je
travaille pour gagner de l'argent », m'avait dit mon père,
« depuis l'âge de dix ans. » C'était un boucher de
quartier pour qui j'avais fait les livraisons à bicyclette durant
toute ma scolarité, sauf pendant la saison de base-ball et les
après-midi où je devais participer aux concours interscolaires en
tant que membre de l'équipe des débatteurs. Disons qu'à partir du
jour où j'ai quitté la boucherie – j'y avais travaillé pour lui
soixante heures par semaine, entre la fin de mes études secondaires,
en janvier, et la rentrée universitaire en septembre -, oui, disons
qu'à partir du jour où j'ai commencé à suivre mes cours à Robert
Treat, mon père a vécu dans la crainte de me voir mourir.
Nous
vivons dans la même crainte et il faut toute l'empathie de Philip
Roth, soutenue par un style solide mais sensible, pour supporter
l'ironie impitoyable de l'Indignation écorchée d'un jeune homme
perdu par l'avance qu'il avait sur son temps. Le seul regret qu'on
ait lorsqu'on referme ce livre, c'est qu'Indignation appartienne au
cycle Némésis, à la fin duquel Philip Roth a décidé de ne plus
écrire.
TL ; DR : la vie d'un adolescent américain entre son départ de chez ses parents et son départ pour la guerre de Corée. L'initiation à l'absurdité sociale des universités américaines des années 50. Un style simplement parfait.
Je me rends compte avec cet article que cela fait longtemps que je l'ai lu... pourtant je l'apprécie beaucoup et c'est vraiment un grand écrivain...
RépondreSupprimerOui, il est sorti il y a trois ans chez Gallimard, et en 2012 en poche.
RépondreSupprimerEt tu vas me dire que c'est honteux, mais je crois que c'est le premier bouquin de Roth que je lise.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerC'est fait. Désolé pour ce long temps d'attente. D'autant que j'ai des trucs à poster !
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