Ce que
j'ai pensé de Léviathan, la trilogie de Lionel Davoust publiée par
les éditions Don Quichotte.
À chaque
fois qu'une femme m'a laissé tomber, j'ai eu le droit à une lettre
dithyrambique : « tu es un type fantastique, tu as plein
de qualités, mais je te quitte, n'essaie pas de me recontacter. »
Je les recontactais à chaque fois et j'avais alors droit à
l'interminable liste de mes défauts. On se doute donc que cette
chronique se terminera mal puisqu'elle va commencer par l'énoncé
des qualités de Lionel Davoust, l'auteur de la trilogie Léviathan
aux éditions Don Quichotte.
Lionel
Davoust est un bâtisseur d'histoires. Comme une véritable
cathédrale sa trilogie s'élève selon un plan sacré : la
trajectoire de chaque personnage s'appuie sur celle de tous les
autres, comme autant de contreforts qui permettent à l'édifice de
s'élever, équilibre élégant, complexe mais clair, et qui laisse
pénétrer la lumière exactement là où l'architecte le souhaite.
Chaque façade est un trompe-l'œil, chaque personnage présente
plusieurs identités qui nous sont dévoilées au fil de l'histoire
de Michael Petersen, un type ordinaire dont la vie bascule aux
frontières de la réalité. Contrairement à la majorité des
enseignement ésotériques, celui-ci se fait par le divertissement.
Les livres de Lionel Davoust sont ce que les libraires appellent des
« page-turners ». Le lecteur est maintenu dans une
dépendance quasi toxicologique qui lui donne envie d'avancer dans
l'histoire, page après page.
Mais
comme avec toute drogue, on risque l'overdose. À force de s'appuyer
sur la structure du récit, Lionel Davoust livre des personnages
archétypaux. Il ne les sauve que par une naïveté qui touche à
l'essentiel des motivations humaines. Mais cette naïveté se
retrouve dans la langue de façon plus préjudiciable. Pourtant, il
arrive que les effets de rupture entre une écriture outrageusement
lyrique et des répliques familièrement cinglantes fonctionne aussi
bien que dans un dialogue de Tarantino. Et les scènes d'action sont
souvent brillantes, très visuelles, formant dans l'esprit du lecteur
des images que ne renieraient pas les frères Washowski.
Hélas, lorsqu'il décrit ses personnages, ses paysages, l'auteur a recourt à des phrases plus stéréotypées. Mais le malaise provient plutôt des velléités philosophiques de l'ouvrage. L'auteur s'efforce de nous faire croire qu'il y a des mondes derrière le monde, il surcharge l'intrigue de références, pas toujours très bien digérées à Castanéda, Young, au chamanisme ou à la physique quantique, l'habituel mélange de la sub-culture pop et conspirationniste. Il crée un jargon spécifique, il invente des réalités parallèles, des images pieuses, des armes rituelles, bref, il utilise les recettes de toutes les religions qui veulent nous faire passer les vieux espoirs d'une réalité cachée et glorieuse pour des révélations nouvelles.
Mais quelle différence au fond avec la suspension d'incrédulité que réclame toute œuvre de fiction ? Pas grand-chose. Sinon que les grandes fictions romanesques nous aident à voir le monde tel qu'il est. 1984 d'Orwell est l'exemple typique d'une fiction extrême qui nous aide à comprendre ce que notre réalité s'apprête à devenir. La fiction chez Lionel Davoust est plus mystique, et elle apporte non la compréhension du monde qui nous entoure, mais l'espoir d'un pouvoir qui permette de le dominer, un pouvoir accessible à tous pourvu qu'ils acceptent de croire, et un pouvoir pas totalement illusoire puisqu'il permet à l'auteur d'écrire, de publier et de trouver ses lecteurs par la seule force de sa détermination. Pourtant, on aurait voulu, enfin, j'aurais voulu, que Lionel Davoust fasse plus de place à la langue, qu'elle soit plus littéraire qu'incantatoire que la beauté ne soit pas seulement dans la construction, le plan, l'histoire, mais aussi dans la pierre, le matériau, c'est à dire dans chaque phrase, chaque mot.
Parce qu'il est un enseignement sur lequel nous pouvons tomber d'accord, lui, le créateur, le démiurge, le mystique et moi, le critique rationnaliste, un enseignement qui réunit celles qui m'écrivent des lettres de rupture comme ceux qui continuent à croire que le livre est l'alpha et l'oméga de l'humanité, un enseignement qui marque l'avènement de notre civilisation et la fin de cette chronique : au commencement était le verbe.
Hélas, lorsqu'il décrit ses personnages, ses paysages, l'auteur a recourt à des phrases plus stéréotypées. Mais le malaise provient plutôt des velléités philosophiques de l'ouvrage. L'auteur s'efforce de nous faire croire qu'il y a des mondes derrière le monde, il surcharge l'intrigue de références, pas toujours très bien digérées à Castanéda, Young, au chamanisme ou à la physique quantique, l'habituel mélange de la sub-culture pop et conspirationniste. Il crée un jargon spécifique, il invente des réalités parallèles, des images pieuses, des armes rituelles, bref, il utilise les recettes de toutes les religions qui veulent nous faire passer les vieux espoirs d'une réalité cachée et glorieuse pour des révélations nouvelles.
Mais quelle différence au fond avec la suspension d'incrédulité que réclame toute œuvre de fiction ? Pas grand-chose. Sinon que les grandes fictions romanesques nous aident à voir le monde tel qu'il est. 1984 d'Orwell est l'exemple typique d'une fiction extrême qui nous aide à comprendre ce que notre réalité s'apprête à devenir. La fiction chez Lionel Davoust est plus mystique, et elle apporte non la compréhension du monde qui nous entoure, mais l'espoir d'un pouvoir qui permette de le dominer, un pouvoir accessible à tous pourvu qu'ils acceptent de croire, et un pouvoir pas totalement illusoire puisqu'il permet à l'auteur d'écrire, de publier et de trouver ses lecteurs par la seule force de sa détermination. Pourtant, on aurait voulu, enfin, j'aurais voulu, que Lionel Davoust fasse plus de place à la langue, qu'elle soit plus littéraire qu'incantatoire que la beauté ne soit pas seulement dans la construction, le plan, l'histoire, mais aussi dans la pierre, le matériau, c'est à dire dans chaque phrase, chaque mot.
Parce qu'il est un enseignement sur lequel nous pouvons tomber d'accord, lui, le créateur, le démiurge, le mystique et moi, le critique rationnaliste, un enseignement qui réunit celles qui m'écrivent des lettres de rupture comme ceux qui continuent à croire que le livre est l'alpha et l'oméga de l'humanité, un enseignement qui marque l'avènement de notre civilisation et la fin de cette chronique : au commencement était le verbe.
Version audio disponible ici.
TL ; DR : Un thriller ésotérique en 3 volumes. Bien construit pour ceux qui aime le genre. Je ne suis pas très épées rituelles et force obscure de la main gauche.
TL ; DR : Un thriller ésotérique en 3 volumes. Bien construit pour ceux qui aime le genre. Je ne suis pas très épées rituelles et force obscure de la main gauche.
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