Un amour impossible, de
ChristineAngot, raconte l'histoire de ses parents. Si on a vécu dans
une diète médiatique pendant les 15 dernières années et qu'on
refuse de lire la quatrième de couverture, on peut encore ignorer
que le père de Christine Angot l'a violée. On peut aussi ignorer
que Christine Angot en a parlé dans plusieurs livres précédents.
Et même si on n'ignore rien de tout cela, on peut quand même tomber
dans l'hystérie qui entoure Christine Angot. Hystérie qui prend
racine dans l'apparition d'Un amour impossible sur la liste du
Goncourt. L'auteure et son livre ne méritent ni cet excès
d'honneur, ni cette indignité.
Christine Angot est
insupportable, c'est acquis, et c'est encore plus vrai si on découvre
son livre dans la collection Ecoutez Lire chez Gallimard, car, malgré
son habitude des lectures publiques, son écriture et sa diction
entrent dans une résonance qui rendrait sympathique Charlotte
Gainsbourg dans l'effrontée. Il y a notamment une répétition de
j'en ai marre, j'en ai marre ou encore une page de mémé, mémé,
qui sont proprement insupportables. Alors quoi ? Dans un monde
ou silence vaut critique, pourquoi parler d'un amour impossible ?
Pourquoi parler d'un livre qui imite parfois Duras jusqu'à la
platitude, ou montre une absence totale d'inhibition jusqu'à virer
au dialogue de mélo nouvelle vague ?
Il y a une mauvaise
raison. La raison morale. Qui consiste à se dire, face aux
railleurs, aux critiques, il faut être du côté de la victime, qui
raconte, l'horreur, lente, progressive, qui mène au viol. Et une
bonne raison : Un amour impossible est un récit admirablement
construit, on l'inéluctable est palpable dès les premières minutes
de la relation entre sa mère et son père. Tout du long, on est
tendu, derrière Rachel Schwartz, et on a envie de lui dire :
« va-t-en ! ». Non, on a envie de lui hurler
« barre-toi ! » Tout du long, ou presque, car dans
sa sincérité hargneuse, Christine Angot ne parvient pas, ou ne
souhaite pas cacher le caractère pathologique de son père. Pas
seulement pathologique parce que violeur, mais violeur parce que
pathologique. Elle fait ressentir son intelligence, sa sensibilité
qui contribue à l'ordure qu'il devient, et aussi l'écrasement
total, l'incapacité à refuser les valeurs familiales d'un autre
siècle. Plus atroce encore, on sent comme au final c'est une image
de soi bousillée qui le rend odieux, donc odieux à lui-même dans
une spirale lente, insupportable, dégueulasse. Un amour impossible
décrit moins le viol de Christine Angot que l'émergence d'un
salopard, et l'incapacité d'une mère complexée, naïve, et, pire,
amoureuse à se sortir du piège, puis à voir le drame, puis à le
reconnaître, à le reconnaître face à sa fille.
Alors, oui, il y a de
l'exhibitionnisme chez Christine Angot, comme il y en a chez Virginie
Despentes, peut-être aussi chez Edouard Louis, et chez toutes celles
et tous ceux qui se sont sentis rabaissés par le mal qu'on leur a
fait et qui ont besoin du regard des autres, pour que chaque lecture,
chaque apparition leur permettent de se dire : je ne suis pas ce
que j'ai subi. Oui, il y a des outrances, des paresses, parfois, chez
Angot, et on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, qu'elle résiste à
la tentation de faire de sa souffrance une marchandise littéraire.
Mais Un amour impossible, disponible dans la collection Écoutez lire
chez Gallimard est un livre qui dévoile, et qui, en montrant la voie
à ne pas suivre, donne sans doute des pistes pour s'échapper de
l'emprise de ce profil hideux que prend parfois le visage de
l'humain.
Pas encore sorti en poche, donc pas d'audio.
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