Si on se
contente de taper Romain Gary dans un moteur de recherche, on ne voit
que l'icône, le seul romancier à avoir reçu deux prix Goncourt :
un pour les Racines du ciel et un pour la Vie devant soi. Allez hop,
un peu de sincérité, ce sont les seuls que j'avais lus avant qu'on
ne m'offre l'affaire homme, paru en poche Chez Folio.
Mais
Romain Gary est un auteur plus complexe. Pas un auteur compliqué,
dur à lire, non, chacun des articles ou des entretiens ici compilés
est limpide, mais sa pensée est assez vaste pour être difficile à
appréhender. Romain Gary, c'est un peu le frigidaire dans un
déménagement. Si on ne peut pas le porter tout seul, ce n'est pas
parce que c'est lourd, c'est parce qu'on ne on ne sait pas par où
l'attraper. Né en Lituanie, élevé en Pologne, puis en France,
aviateur, compagnon de la libération, ambassadeur de France aux
États Unis, Romain Gary c'est le mouvement, pas la doctrine figée.
Le seul concept qu'il semble défendre de façon absolue, c'est la
nécessité de ne pas voir les choses de façon absolue. La marge
humaine.
Au fil de
l'enchaînement chronologique des articles Romain Gary révèle les
malaises de l'Occident, et leur évolution, de la peur de la guerre
thermonucléaire entre les deux blocs à l'invasion de l'espace
public par la pornographie. Notre société était une cocote minute
mise sous pression par les totalitarismes idéologiques, et lorsque
on a retiré le couvercle tout s'est répandu, sans panache.
Nous nous
sommes débarrassés de la vieille peau de l'obscurantisme mystique,
mais nous sommes allés trop loin, nous avons aussi enlevé le
muscle, et nous voilà plus que nus, une civilisation à l'os. La
surextermination morale - Gary écrit aussi en anglais et il utilise
le terme d'overkill - a balayé la politesse, les valeurs
humanistes, l'héroïsme. Gary plaide pour la culture, l'inutile,
comme conditions du respect inconditionnel de la vie, de l'individu,
qu'il soit éléphant ou qu'il soit homme. Et surtout femme. Car il
place haut l'image de la femme. Si haut qu'il refuse de la voir à
ses côtés. Quand il la charge du salut de son humanité, il refuse
de la voir toute entière, telle qu'elle est, son semblable, aussi
désorientée que lui. On aurait aimé, enfin j'aurais aimé, croire
vraiment à son volontarisme féministe, mais on lui connaît plus de
conquêtes que de romans publiés, et ce n'est pas peu dire.
C'est que
malgré son immense culture - certaines citations sont imprécises,
mais rappelons qu'il citait tout de tête, sans ces téléphones
connectés qui nous donnent l'impression d'être cultivés –,
malgré le style inouï – dans chaque interview des formules, des
images, des fulgurances -, Romain Gary semble être resté l'homme
d'une seule femme, un fils qui cherche sans fin à tenir les
promesses de l'aube. De l'enfance, il a su garder le meilleur :
la créativité, le brio, l'élan du cœur. Et ce qu'elle a de moins
bon, l'égocentrisme, le caprice, la bagarre, l'incapacité à
supporter la frustration. Le refus d'accepter l'homme réel,
l'insupportable réel. Gary le sait, il l'assume, et cette sincérité
dans le mensonge procède de cette marge humaine qu'on aurait aimé,
enfin que j'aurais aimé pratiquer avec le même talent que lui.
La chronique audio est disponible ici.
J'ai tenté de ne pas faire le ton "France Cu" Si vous avez un avis,laissez moi un commentaire, je sais que j'ai aps mal de progrès à faire.
TL ; DR : Un recueil d'articles et de conférence de Romain Gary. Paradoxal, puissant, contradictoire, enrichissant. Et jamais jargonnant, jamais théorique. Un grand bonhomme, avec ses failles qui se lisent entre les lignes, et à la lueur de son suicide final. Lisez le !
Excellent et mieux le ton, plus de relief ! Mais qui donc a eu la bonne idée de vous offrir ce bouquin ?! On aurait aimé,..., enfin j'aurais aimé...
RépondreSupprimerAVIS A LA POPULATION : L'affaire homme m'a été offert par Julien Marchais, Duc de St Ouen et ami éternel des pachydermes.
RépondreSupprimerPour le ton, moi je trouve que ça fait un peu chat castré sous amphétamines. Du coup, faut que je continue à essayer d'être plus naturel. J'ai peut-être une voix naturelle de chat castré. J'ai jamais pris d'amphétamines. Et j'ai jamais tué de chat.Ou c'était y a longtemps, et il sentait pas bon.
Sale tueur de chat. Tu vois que tu sais répondre aux commentaires blogspot...
RépondreSupprimerCe que j'ai pensé de la chronique de MGoussu: ça donne envie de croiser l'Homme plus que de le lire! Pour le naturel on repassera au galop mais ce n'est pas de naturel qu'il te faut, ni d'amphétamines, c'est de légèreté. Parcequ'on peut être grave et leger. Ou lourd et léger (dixit un pachyderme). mais la critique de la critique est facile...
Je ne lirai peut-être pas le livre (sauf si "on" me l'offre) mais j'écouterai d'avantage la chronique.
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RépondreSupprimerAh mince, c'est dingue que mes R sonnent tant. Donc résumé : j'ai beau essayer de faire plus naturel, je prends encore de grands R.
RépondreSupprimerMerci de vos commentaires, ça me fait progresser.