Théorie du crime parfait, de Jil de Rauc, paru aux éditions Allia, est le
penchant sociologique du
Harcèlement Moral, La violence perverse au quotidien,
de Marie-France
Hirigoyen,
paru chez Pocket.
Là
où Marie-France Hirigoyen analysait le phénomène sous l'angle
individuel du pervers narcissique et de sa victime, Jil de Rauc parle
de maladie sociale dans laquelle la démocratie " thénardière "
laisse prospérer des " usuriers du droit ", qui
profitent de ce que tout ce qui n'est pas interdit est autorisé.
La
violence morale est en ce sens le crime parfait : "un
crime dont l'auteur et sa victime sont les seuls témoins".
La formule est pertinente et montre bien que la violence morale est
un frôlement des limites et jamais une agression frontale facile à
qualifier. Mais l'amour des formules fait pâtir le livre de Jil de
Rauc d'un excès de verbiage. Les définitions se succèdent, le
raisonnement tente d'englober la violence morale du harcèlement
définie comme usure du droit et la violence morale du terrorisme,
définie comme usure de la liberté d'expression.
Malgré
la brièveté de l'ouvrage, on finit par se demander où l'auteur
veut en venir. On retrouve de l'intérêt lorsque l'auteur met en évidence que c'est parce que "la peur du désordre devance, de
loin, celle de l'injustice" que le crime parfait est toléré par la
société. Ainsi, la volonté des démocraties de se libérer de
l'ordre moral aurait mené à une " génération sociocentrique
dont nous aurions moins à redouter l'insurrection
qui vient
que le culte de l'autorité et de l'idolâtrie de la loi. "
Le
livre de Marie-France Hirigoyen faisait sentir l'expérience de la
praticienne, et si on pouvait parfois trouver que sa volonté de
défendre les victimes amoindrissait l'analyse du psychisme des
bureaux, la puissance des implications pratiques faisait pardonner
les maladresses du livre.
Ici
l'impression est inverse. La réflexion semble très théorique, et
la volonté de se parer d'une objectivité pseudo-scientifique toute
sociologique produit du vocabulaire abscons. Théorie du crime parfait échoue à donner un pendant
politique à la problématique individuelle du harcèlement. Le livre
laisse une impression d'autosatisfaction devant une construction
intellectuelle un peu branchouille (références à Cyrulnik, et Taxi
Driver) mais on se sent assez peu concerné car on ne lui voit aucune
déclinaison pratique pour rendre le monde meilleur. On aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que l'auteur soit plus concerné par les implications d'une approche collective de la violence morale que par la joliesse des articulations de son raisonnement logicien. La théorie sociale du harcèlement moral reste encore à écrire.
Théoriedu crime parfait, de Jil de Rauc, paru aux éditions Allia, 6,10 €
TL ; DR : un essai théorique sur la violence morale. Plus théorique qu'utile en tous cas, même si la notion d'usurier du droit est intéressante.
TL ; DR : un essai théorique sur la violence morale. Plus théorique qu'utile en tous cas, même si la notion d'usurier du droit est intéressante.
Je suis comme toi, j'ai découvert Proust tardivement. Enfin, c'était à la fac, mais je devais déjà être en quatrième ou cinquième année, ce qui est vraiment tardif pour découvrir celui que je considère aujourd'hui comme, tout simplement, le plus grand de écrivains!
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