Alors
que commençait la grève à Radio France, j'ai reçu le troisième volume du trône de Fer, de Georges R.R. Martin, dans la collection
Écoutez Lire. Je ne l'ai jamais demandé. J'écoute les premières
minutes. Et que je festoye, et que je guerroye avec mon épée qui
porte un nom symbolique puissant. Derrière chaque phrase de
dialogue, l'auteur ajoute un said-bookism, littéralement, un
remplaçant "livresque" du verbe dire. « Cesse de
me chercher querelle si tu ne veux pas que je dégaine Aiguille,
répliqua Aria dans un mouvement de colère ». Je ne cite pas à
la lettre, car il est difficile de prendre des notes en écoutant un
livre audio sur le trajet du boulot, mais je ne dois pas être loin de l'esprit. Et puis quel
sens ça peut bien avoir de commencer une série au troisième tome ?
D'autant que dans le trône de fer, il y a au moins six ou sept
maisons qui nouent des alliances ou fomentent des trahisons… Les
Lanisters sont ils les ennemis ou les alliés des Barathéon ?
et les Starks, de quel bord ? Sans compter que chaque clan
retient en otage un membre d'un autre clan. Pire, chaque roi a laissé
derrière lui une armée de bâtards dont il faut essayer de tenir le
compte.
On
aurait aimé, enfin, j'aurais aimé détester ce livre audio.
J'aurais aimé pester contre Gallimard qui m'envoie sans que je le
lui ai demandé ce que j'aurais aimé qualifier soupe
médiévale-complotiste. Mais je me suis fait avoir comme un bleu.
Happé par les description, certes caricaturales, certes déjà vues
cent fois, mais tellement provocatrices d'images. Bien-sûr, je n'ai
pas compris la moitié des liens qui unissaient les personnages, mais
chacun d'entre eux s'impose par la cohérence de ses motivations, par
la consistance de son acharnement. On les sent prisonniers d'une
trajectoire qui les dépasse et désireux de reprendre le contrôle
de leur vie. Et de celle des autres, dévoré par l'envie de prendre
le contrôle de l'ensemble des sept royaumes. Car ce ne sont pas des
enfants de chœur. Pire, plus ils sont méchants, machiavéliques,
pervers, tyranniques, et plus on s'approche d'eux, jusqu'à se cacher
derrière chaque bannière, chaque tenture, pour écouter leurs plans
tordus, leurs histoires d'amour, de guerre, leurs histoires de
famille brûlantes jusqu'à l'inceste.
La
lecture de Bernard Métraux est en grande partie responsable de
l'attention qu'on porte à ce volume pourtant souvent indigeste.
L'ensemble de ce volume est tenu par pour son interprétation
parfaite. Elle n'est pas plus subtile que l'écriture de Martin,
elle est pourtant aussi juste. Chaque personnage a sa diction, son
ton, son défaut de prononciation. Pour le lecteur qui n'a pas en
tête tous les noms, c'est une aide précieuse qui permet d'être le
moins perdu possible. Et surtout, les choix qu'il fait pour chaque
personnage collent à l'idée qu'on s'en ferait en lisant le texte.
Bernard Métraux est avant tout connu pour son travail de doubleur,
assez proche de celui de l'audio book puisqu'il s'agit d'incarner des
personnages non à l'écran, finalement, mais à l'oreille.
Finalement,
j'aurais préféré, chaque jour, écouter le troisième volume de la
série Trône de fer, de Georges R.R. Martin, intitulée La bataille
des rois, disponible en audio book dans la collection Écoutez lire,
plutôt que la play-list de Radio-France, qui est pourtant la seule
chance d'écouter de la bonne musique sur la fréquence de
France-Inter.
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