Mais les grands séducteurs, arrive un moment où l'on
voudrait qu'ils se livrent un peu. On aimerait, une fois qu'ils nous
ont tant plu, qu'ils fassent preuve d'un peu de sincérité, parce
qu'à la longue, on finit par remarquer les ficelles. La façon dont
Julien Blanc-Gras joue sur un contraste entre l'adverbe, grave, et un
adjectif léger pour créer une cassure dans la phrase. Ou la façon
dont il surutilise l'hyperbole pour nous tirer un sourire. Les
phrases à la Paulo Coehlo bobo café Flore finissent par lasser, par
exemple : « Prendre une photo c'est prévoir de se
souvenir du passé dans un futur prochain. » . Quand il traite
les hippopotames de gros ongulés, et on a envie de dire « arrête,
arrête cinq minutes ». Les pays défilent, les formules
désabusées se succèdent, on voit Julien Blanc-Gras chez les
anglais, Julien Blanc-Gras chez les colombiens, les indiens, les
malgaches. Mais on voit si peu les anglais, et pas les colombiens, ni
les indiens, ni les malgaches. On les a croisés, ces voyageurs à
qui on ressemble, qui font preuve de courage, oui, mais pas de
patience, qui vont partout, tout seul, mais assez vite pour n'y voir
toujours que la même chose.
Car les premières personnes à qui on parle, en voyage,
ce sont toujours un peu les mêmes. Ceux qui ont quelque chose à
nous vendre, ne serait-ce que leur temps, ceux qui sont attirés par
l'occident, ceux qui cherchent à tout prix à nous donner la
meilleure image de leur pays, parce que finalement notre opulence
provoque l'envie autant que la honte. Et les autres touristes. Ceux
qui voyagent comme nous et flattent notre narcissisme baroudeur.
Enfin, ceux qu'on méprise un peu parce qu'ils ne sont pas roots,
n'ont pas le détachement, l'ironie, la distanciation. Julien
Blanc-Gras appellent ceux-là Allemandenshort, en un seul mot et
quelle que soit leur nationalité. Bien-sûr il se dédouane en
écrivant : « Mon sac à dos et ma solitude ne me
confèrent aucune supériorité morale sur le troupeau. Simplement,
je préfère le contourner. »
On est toujours un peu le troupeau de quelqu'un, non ?
Et Julien Blanc-Gras semble contourner le lecteur.
On aurait voulu, enfin, j'aurais voulu, qu'il s'arrête
un peu plus d'un instant. Qu'il n'ait pas peur d'alourdir sa phrase,
parce que tous les lecteurs ne sont pas des journalistes pressés.
Mais il est déjà dans un autre pays. Lorsqu'on s'attache un peu,
par exemple à sa description expéditive, tordante et si juste de
Crime et châtiment, il nous rappelle à l'ordre : « On
peut dire que nous avons été de bons amis pendant quelques jours. »
Et on laisse ce Touriste, de Julien Blanc-Gras, paru au Livre de Poche, nous abandonner, partir séduire d'autres lecteurs moins
sentimentaux.
Le livre coûte 6,60 € en Livre de Poche.L'audio est ici. Merci à Sylvain pour l'hébergement.
Ceux qui aiment la musique 90's auront reconnu Penjabi MC !
TL ; DR : Le livre d'un journaliste baroudeur. C'est léché, joyeux, léger, amusant, complètement superficiel et lassant. Mais ça se lit vite et si on veut juste se changer les idées, pourquoi pas.
TL ; DR : Le livre d'un journaliste baroudeur. C'est léché, joyeux, léger, amusant, complètement superficiel et lassant. Mais ça se lit vite et si on veut juste se changer les idées, pourquoi pas.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu'avez-vous pensé de ce que j'ai pensé de ? Les commentaires sont bienvenus.