Les femmes du braconnier, de Claude Pujade Renaud, est un roman
disponible en poche chez Babel. Le braconnier, c'est le poète Ted
Hughes. Il a la force tellurique de ceux qui sont de quelque part.
Il est habité par l'esprit des animaux que son frère et lui
chassaient dans les chemins creux de la campagne anglaise. Et la
première de ses femmes c'est Sylvia Plath. Elle arrive d'Amérique,
plein de manques, toujours en fuite, comme tellement d'enfants
d'immigrés. Elle fuit sa mère et sa sollicitude qui l'étouffe.
Elle fuit la promesse qu'elle lui a fait faire, de ne jamais refaire
sa vie. Elle fuit le père et son absence, et sa mort évitable. Mais
aussi loin qu'on aille, on abandonne rien. On emporte ses entrailles,
les maux qui sont les siens.
Claude
Pujade Renaud, sait se mettre à la place d'une femme. C'est
tellement rare de voir un homme se sentir autorisé à parler de la
vie intime, biologique, des femmes, jusqu'à décrire leurs règles
et l'impact qu'elles peuvent avoir sur leur stabilité émotionnelle.
Tellement rare que ce Claude est évidemment une Claude. Après
m'être senti idiot de ne pas connaître cette écrivaine, je me suis
senti idiot de réaliser que la Sylvia Plath du roman est cette
Sylvia Plath dont j'avais une vision floue de poétesse anglo-saxonne
vaguement féministe. Mais pourquoi la couverture de cette biographie
précise-t-elle : roman ? Sans doute pour s'autoriser à
écrire chaque chapitre à la première personne du singulier, une
première personne toujours différente et toujours singulière.
Sylvia, sa mère, ou cette infirmière qui la prendra en affection
quand elle et Ted s'installeront loin de Londres. Claude Pujade
Renaud, en enchaînant les points de vue subjectifs ne présente
jamais une causalité claire, elle n'explique pas, elle montre. Ted
trompe Sylvia, malgré ce qui les unit, les enfants, la littérature,
la poésie. Est-ce que les hauts et les bas de Sylvia sont trop durs
à supporter ? Est-ce que l'attraction qu'exerce la belle Assia
aurait de toute façon pris le dessus ? L'auteure ne tranche
pas.
On
aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que l'écriture de Claude Pujade
Renaud nous rapproche des protagonistes de ces amours qui vibrent,
vrillent, plongent. Mais le charme est parfois rompu brutalement. Les
chapitres de dialogues ne fonctionnent pas, la volonté de faire
quotidien donne des phrases fades et qu'on peine à
imaginer dans la bouche de quiconque, et même dans la sienne après
les avoir relues à haute voix.
Et
puis les tics des écrivaines écrasées par le spectre de Marguerite
Duras. Les phrases sans verbes. Ou pire, l'épithète suivi d'une
virgule, suivi du nom auquel il se rapporte, et rien de plus.
Énervant, le tic littéraire.
Mais
les personnages secondaires nous attachent au livre. Aurelia, la mère
de Sylvia, toujours aimante, toujours perdue, David, le mari d'Assia,
poète tranquille et doux, presque résigné. Et Winnifred, et les
enfants, les frères et les sœurs. Claude Pujade fait évoluer ses
héros dans un écosystème romanesque où le lecteur devient à son
tour braconnier et guette l'apparition de ces seconds couteaux plus
humains, plus aimants, qui tentent, chacun à sa façon, de sauver
les artistes de leur propre sensibilité. Sans pourtant la détruire,
puisque c'est elle aussi qui fait qu'ils les aiment tant. Comme il
est difficile d’être une des Femmes du Braconnier, au sein de ce
roman de Claude Pujade Renaud, disponible en poche chez Babel.
Tellement crevé qu'on a l'impression, sur l'audio, disponible ici, que je suis énervé contre quelqu'un.
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