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La chronique de Partir en guerre : ce que j'ai pensé de Partir en Guerre, d'Arthur Larrue, paru aux éditions Allia.
Lorsqu'on
voit, dans un film américain, la France réduite à la Tour Eiffel,
aux hommes infidèles et aux baguettes de pain, on ricane en se
disant qu'il n'y a que des touristes pour nous voir comme ça. Et
puis on lit des romans, écrits par des français, sur des pays où
l'on a vécu. Décidément, il est difficile de rendre compte de
l'ambiance d'un endroit où l'on n'a pas passé sa vie. Et puis, et
puis j'ai ouvert Partir en Guerre, le premier roman d'Arthur Larrue,
paru aux éditions Allia. Pas de samovars inutiles, pas de place
rouge et pas de balalaïka. Mais celui qui a vécu à St Peterbourg
reconnaîtra ces cages d'escaliers où des plantes suspendues dans
des bouteilles coupées ne parviennent pas à masquer les odeurs
d'humidité, de chou, et de neige fondue que même les doubles portes
laissent pénétrer dans les vestibules des appartements froids
l'automne, et brûlants l'hiver. J'y ai même appris d'où venaient
tous ces chats dont j'avais fini par me méfier parce qu'ils semblent
quadriller les lignes et les rues de St Petersbourg comme une police
secrète. Mais la police que combat le groupe d'artistes
contestataires Voïna, la Guerre, cette police n'a plus rien de
secret, au contraire. Elle est le bras armé et visible d'un régime
qu'à part Gérard Depardieu, plus personne ne se risque à qualifier
de démocratique.
J'ai
tiqué lorsqu'Arthur Larrue a laissé traîner dans son texte
quelques expressions que seuls les littéraires croient être
populaires. Des « fissa », des « tourner à
l'aigre », des « galetas », des « yeux
caves ». Mais ce sont les expressions de son narrateur qui se
voudrait moins bourgeois qu'il ne l'est et force son vocabulaire pour
se rassurer face à l'animalité sourde des membres de La Guerre,
avec lesquels il partage cet appartement, cette nuit, et ce dégoût
de ce que la Russie pourrait devenir. Pourtant, il ne cède pas à la
fascination. Il nous les montre tels qu'ils sont. Sales, paumés,
incapables de se contrôler. Et c'est cela, c'est ce qu'ils sont,
plus encore que ce qu'ils font, qui nous dit combien la Russie de
Poutine et de Medvedev fermente, comme un fruit gorgé de sucre qu'on
a privé d'oxygène. Arthur Larrue ne nous rend pas Leonid le fou,
sympathique, ni Oleg Le voleur. Ni sa belle compagne Kosa, la chèvre.
Ni même leur enfant, Kaspar, qui tape sur des casseroles et ne sait
dire que maman. Arthur Larrue ne nous les rend pas sympathiques, il
nous les rend attachants. Parce qu'on voudrait nous aussi refuser
d'utiliser de l'argent, mais qu'on n'est pas capable de voler, parce
qu'on voudrait nous aussi gueuler que ce monde ne nous convient pas
mais qu'on ne croit plus que gueuler puisse changer quoique ce soit.
Arthur Larrue, lui, n'est pas le genre à gueuler, son style est
sobre et précis. Bien-sûr, on aurait voulu, enfin, j'aurais voulu,
qu'il soit parfois plus rêche, que ce narrateur fît autre chose que
dormir et préparer un café. Mais comme son narrateur, et
contrairement à ses lecteurs, Arthur Larrue vit et travaille à
Petersbourg, ce qui l'incite sans doute à une certaine forme de
prudence. On aurait voulu, enfin, j'aurais voulu, une fin moins
abrupte. Mais Arthur Larrue ne fait pas semblant. La vie est abrupte,
l'art de La Guerre, Voïna, est un art abrupt. Des bites géantes,
des partouzes, des seaux de pisse. Et malgré la minutie avec
lesquels il les décrit, Arthur Larrue nous offre avec Partir en
guerre, aux éditions Allia, un roman délicat et émouvant.
L'audio est disponible ici.
Au passage, la compression de la chronique est quand même ultra violente, avec un souffle. Ouch, c'était il y a un an et je trouve ça inaudible, que penserai-je des chroniques de cette année l'an prochain ?
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