Ce que
j'ai pensé du livre de Michel Rostain, Le Fils, paru chez Oh !Éditions.
Les
livres dont le sujet est poignant prennent un peu leur lecteur en
otage. Qui oserait dire qu'il trouve lamentable l'histoire d'une
handicapée ou qu'il a trouvé mal écrit le témoignage d'un père
qui vient de perdre son fils d'une maladie rare et foudroyante ?
C'est peut-être parce que Michel Rostain ne livre pas un témoignage
mais un véritable roman que j'ose enfin écrire combien son livre,
le Fils, paru chez Oh ! Éditions m'a été désagréable. C'est
peut-être aussi parce que j'ai perdu mon père ce mois-ci et qu'il
me paraîtrait grotesque et indécent d'écrire un livre où il
parlerait, à la première personne de son fils resté vivant.
Pourtant
Michel Rostain choisit ce procédé pour écrire son chagrin : à
travers les yeux de son fils foudroyé par une maladie rare, il se
décrit en train de survivre au deuil. Bien-sûr, pour peu qu'on ne
soit pas totalement dépourvu d'empathie, on comprend les motivations
qui le poussent à cet artifice. Si la littérature pouvait
l'impossible, qui ne l'utiliserait pas pour faire revenir ses morts ?
La justification du livre est louable : aider les gens à
comprendre ce que peut vivre un couple qui perd son enfant aux portes
de l'âge adulte. Mais la lecture est rendue pénible par l'impression tenace que l'auteur pense moins à celui qu'il fait
parler qu'à celui dont il le fait parler, moins à son fils
qu'à lui-même. Il se montre englué dans des raisonnements
psychanalytiques invraisemblables, cherchant rétrospectivement des
signes, du sens, désemparé parce que la mort est juste cet impensable
définitif, ce bout du bout inconcevable, protégé de notre
compréhension par un halo de terreur pure. C'est d'ailleurs
lorsqu'il décrit la survenue de la mort que Michel Rostain sauve son
livre. La description est factuelle, sèche, sobre :
insoutenable. Après avoir lu ce passage, l'idée pourtant
tétanisante qu'un jour nous ne serons plus est rendue presque
ridicule par cette horreur indépassable du père qui voit celui à
qui il a donné la vie la perdre.
C'est
sans doute cette douleur trop immense qui empêche Michel Rostain de
se décentrer assez pour nous parler vraiment de son fils. Il ne
parvient à se détacher de lui-même que lorsqu'il parle de sa
femme, de leur amie Bérangère qui les accompagnera au bout du
voyage des cendres dont le passage à la douane d'un aéroport
donnent au livre ses meilleures phrases :
« À
Orly, les douaniers ne demandent rien au sujet de la poudre. Je n'ai
plus d'odeur pour les chiens. »
On aurait
aimé, enfin j'aurais aimé, que ce regard-là soit présent tout le
temps. On aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que le choix du roman
soit accompagné de l'impitoyable travail de la langue qu'exige le
roman. Je ne suis jamais arrivé à entendre la voix d'un adulescent
dans les mots de Michel Rostain, je n'entends que la sienne.
David
Grossman avait livré sur le même thème le magnifique « Une
femme fuyant l'annonce ». Mais c'était avant la mort de son
propre fils. Après, comme si l'écriture romanesque ne suffisait plus, Grossman
a eu recours au conte, à la tragédie, à l'écriture mythologique
et son livre « tombé hors du temps » est encore plus
intense et dérangeant. À chaque fois, l'homme s'efface au profit de
la langue, du style, on entend si peu sa voix qu'on peut percevoir
les battements irréguliers du cœur de ses personnages.
Mais ces
livres portent pourtant le même message, celui que l'amie de Michel
Rostain lui écrit lorsqu'il pense imploser sous le poids de la
douleur, ce message grâce auquel écrire cette chronique aura été
un exercice finalement moins difficile que de lire le livre de Michel
Rostain, ce message que je garde à l'esprit aujourd'hui et auquel on
peine toujours à croire lorsqu'un deuil sérieux nous attrape à la
gorge, « On peut vivre avec ça ».
Ce que j'ai pensé du livre de Michel Rostain, Le Fils, paru chez Oh !Éditions. 15,90 €
TL ; DR : un livre sur la mort du fils. Très gênant car le propos devrai être poignant et on a l'impression que l'auteur parle de lui seulement, peu de son fils, beaucoup d'interprétations psychanalytiques bidons.
TL ; DR : un livre sur la mort du fils. Très gênant car le propos devrai être poignant et on a l'impression que l'auteur parle de lui seulement, peu de son fils, beaucoup d'interprétations psychanalytiques bidons.